Blogue de l’intégration professionnelle, 19 décembre 2008

L’origine du mentorat trouve son explication dans la mythologie grecque. Dans l’Odyssée du poète Homère, Ulysse, avant de s’absenter, avait demandé à son ami Mentor de s’occuper de son fils Télémaque. Mentor devint donc, en quelque sorte, un parent adoptif qui prit en charge le développement physique, social, intellectuel et spirituel d’une personne plus jeune. Aujourd’hui, le mentorat désigne un jumelage entre un professionnel expérimenté (mentor) et un jeune (mentoré) qui désire s’intégrer socioprofessionnellement.

Au Québec, la Fondation de l’entrepreneurship, chef de file du mouvement entrepreneurial québécois a pu développer le mentorat d’affaires parce qu’il fallait accompagner les petites et moyennes entreprises (PME) au terme de leur cinq premières années afin de faciliter leur viabilité économique. Selon Statistique Canada (2000), le taux de survie des jeunes entreprises est d’environ 54 % après cinq ans.

Ce besoin d’accompagnement existe également chez certains groupes de Québécois, issus de communautés culturelles ou de minorités visibles, qui connaissent différentes problématiques d’intégration en emploi. Dans cette perspective, le projet Mentorat Québec Pluriel, un pionnier de cette forme d’intervention, a voulu apporter des solutions et pistes d’action à ceux qui vivent des problèmes de décrochage scolaire, de sous-scolarisation et de chômage : « …Qu’ils aient un diplôme ou non, les jeunes venant des minorités visibles et les jeunes immigrants sont aussi aux prises avec des difficultés d’insertion professionnelle, comme en témoigne leur taux de chômage plus élevé que dans les autres groupes. Par conséquent, ils doivent pouvoir compter sur un meilleur soutien et un accompagnement dans leur démarche d’intégration au marché du travail… » (Stratégie d’action jeunesse 2006-2009, Gouvernement du Québec, 2006).

Le mentorat tisse un faisceau de réseaux qui crée une dynamique sociale s’inscrivant dans un ensemble d’actions porteuses de sens pour agir ensemble.

Des personnes expérimentées disposant d’un réseau de relations sociales se rendent ainsi utiles en donnant bénévolement de leur temps afin de faciliter l’intégration harmonieuse des jeunes adultes de minorités visibles d’origine haïtienne, arabe, latino-américaine, africaine, antillaise et asiatique de 18 à 35 ans.

La force de l’eau vient de la source

Le mentorat, qui est une relation d’aide et un mode d’apprentissage efficace, permet donc aux nouveaux arrivants, dans un processus de transition professionnelle, de mieux comprendre la culture du monde du travail au Québec.

Le mentor a un vécu socioprofessionnel qui lui permet d’accompagner le mentoré, de partager avec lui son expérience, de l’encadrer et de lui donner des conseils. Si certains mentors expriment leur participation au projet par la volonté de rendre service simplement, d’autres, à l’instar de cette associée de recherche à l’école Polytechnique de Montréal, pensent qu’ « un jeune peut s’inspirer de son expérience de travail et de ses conseils pour mieux orienter sa recherche d’emploi ou sa carrière. Cela peut aider à une meilleure intégration active. »

Le mentor fournit toute l’information dont le participant a besoin pour affronter le marché du travail en abordant, au cours des rencontres, différents thèmes : parcours professionnel, société québécoise, intégration sociale et professionnelle, marché du travail, pistes d’emplois et conseils, réseau de contacts.

Durant une période de douze semaines, le jumelage s’effectuera entre mentors et participants qui bénéficieront d’un minimum de quatre rencontres. Lors de ces échanges, les participants pourront obtenir une aide morale et bénéficier des conseils d’un mentor motivé et expérimenté.

Les mentors et les jeunes participants nouent des relations de compréhension, d’entraide, de réciprocité dans un climat de confiance.

Le mentor qui aide le participant dans son cheminement de projet de vie rend sa recherche d’emploi plus efficace lors des simulations d’entrevue sur des questions de mises en situation, ce qui multiplie ses chances d’embauche.

On dit souvent qu’environ 80 % des emplois sont obtenus grâce à la stratégie des contacts directs. Le mentor peut donc non seulement aider le mentoré à mettre l’accent sur les éléments les plus importants pour l’employeur, mais aussi le renseigner sur les conditions d’exercice de sa profession au Québec. Lors d’un jumelage entre architectes par exemple, le mentor faisait comprendre la nécessité de bien assimiler certaines  exigences du métier : « Il est important de suivre des cours sur les données climatologiques et de comprendre le système constructif au Québec, autrement cela pourrait avoir des conséquences néfastes sur la construction. »

Cet outil d’intégration particulièrement efficace pour les immigrants présente de nombreux avantages : il contribue à l’élargissement du réseau, permet de décrypter certains codes culturels, facilite une meilleure intégration et met de l’avant la notion d’interculturalité.

Le mentorat met en contact les jeunes avec les personnes du milieu de travail pour démystifier le monde du travail, la réalité d’un métier, et leur faire comprendre l’importance de la culture organisationnelle, la manière d’interagir avec les membres de l’équipe, ce qui les aidera à donner une première bonne impression à l’employeur.

Le mentoré qui développe une écoute active profite de l’expérience et du parcours d’une personne qui connait le terrain et qui a pu contourner les difficultés auxquelles il a lui-même été confronté pour se trouver un emploi. Il est en contact avec une personne-ressource qui est en lien avec son domaine professionnel. Il peut ainsi échanger avec lui sur le poste qu’il vise et se faire une idée du profil idéal des personnes qui occupent le poste. Les propos de Madiama FAM, originaire du Sénégal et arrivé au Québec en août 2008, soulignent la pertinence du mentorat : « Ce projet de mentorat est très important, à mon avis, parce que cela te permet d’être en contact direct avec la bonne personne qui pourra répondre à tes questions et t’orienter de manière efficace relativement à ton projet professionnel. »

Les mentors donnant des conseils à des personnes en difficulté en se basant sur leurs propres expériences, la réciprocité, qui a une dimension relationnelle, se manifeste donc aussi au niveau des conseils donnés aux mentorés et de l’accompagnement qui se fait.

Pour certains jeunes adultes immigrants, le retour aux études est un passage obligé pour une intégration en emploi comme le résume Joseph Jr. Clorméus, d’origine haïtienne, « Les diplômes acquis à l’extérieur n’approfondissent pas les aspects liés aux qualifications nécessitées par le marché de l’emploi. J’ai des expériences, poursuit-il, qui doivent être corroborées par des études pour m’assurer une meilleure possibilité de placement ainsi qu’une certaine employabilité à long terme. »

Le mot qui revient souvent dans le counseling individuel des conseillers en emploi est le terme réseautage qui augmente le capital social de l’individu selon le sociologue Pierre Bourdieu.

Le travail occupe une place centrale dans la société québécoise. La  mise en réseau avec les différents acteurs rompt l’isolement du mentoré qui ne se sent plus seul et qui s’enrichit des échanges des autres acteurs qui pratiquent le même métier ou la même profession. Des échanges et des questions permettent de développer la synergie  entre les différents acteurs. En pratique, le jumelage se traduit par des rencontres entre personnes, selon un rythme convenu en fonction de la disponibilité du mentor, ou par des contacts téléphoniques ou par Internet.

Ainsi, des mentors généreux dans la transmission d’informations pertinentes et ouverts d’esprit s’investissent bénévolement dans des actions solidaires. Les actions de ces personnes animées par un esprit de solidarité et de restauration du lien social relèvent d’un véritable engagement tout à leur honneur.

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Par Doudou Sow le Lundi 09 Octobre 2017 dans Jumelages professionnels, MENTORAT. Aucun commentaire