Les intervenants du milieu communautaire ont à cœur la relation d’aide qui constitue l’ADN des organismes à but non lucratif (OBNL). Les intervenants communautaires ou conseillers en emploi ne sont pas portés vers les salaires très élevés, mais cherchent plutôt à concilier leurs valeurs personnelles sociales à celles professionnelles. Cependant, la tâche des conseillers en emploi ou la mise en relation avec les candidats est loin d’être aisée.

Ces derniers ramènent souvent des problèmes rencontrés au travail à leur domicile et connaissent ainsi des taux d’épuisement professionnel très élevés. Compte tenu de la complexité des tâches qui leur sont confiées, les conseillers en emploi finissent par devenir inconsciemment des psychologues, des assistantes maternelles, des psychothérapeutes, etc. En établissant le contact avec le chercheur d’emploi, il peut arriver souvent au conseiller en emploi de « materner », par une approche psychopédagogique, le participant qui peut parfois être une personne « insécure». Mais, en aucune façon, les conseillers en emploi ne peuvent se substituer à celui-ci, même s’ils doivent faire preuve d’empathie à l’égard des personnes en difficulté qu’ils rencontrent.

Pour inciter les participants à laisser une bonne image de marque auprès des employeurs, les conseillers en emploi essaient de faire ressortir chez les chercheurs d’emploi des attitudes susceptibles de séduire, convaincre et rassurer les employeurs. Ils s’appuient ainsi sur la règle des 3 S : Savoir être  – Savoir faire – Savoir.

Dans leur premier chapitre intitulé « L’approche et le modèle d’insertion professionnelle », les auteures Denise Fontaine, Chantal Nault et Marie-Josée Richer s’appuient sur Jacques Limoges, un auteur qui a développé depuis 1987 un modèle très célèbre décrivant la recherche d’emploi : « le modèle du trèfle chanceux ». Elles conseillent à ceux et celles qui veulent « trouver du travail » de « tenir compte des  enjeux sociaux, politiques et économiques qui [les]entourent et qui peuvent influencer [leur] recherche d’emploi (ESPE); […] [de] bien [se] connaître (SOI), savoir où [ils veulent] travailler (LIEU) et comment trouver un emploi (MÉTHODE)[1] ».

De manière générale, les entreprises québécoises ne connaissent pas le système de diplôme ou les entreprises dans lesquelles les personnes immigrantes ont déjà travaillé. Elles ne connaissent pas non plus les universités où les personnes venues d’ailleurs ont déjà fait leur formation. C’est pourquoi certains conseillers en emploi demandent aux chercheurs d’emploi immigrants de faire une brève description de l’entreprise en identifiant son secteur d’activités afin de bien situer le recruteur québécois et de montrer l’importance de l’entreprise, de trouver un système d’équivalence dans les standards québécois afin de rassurer les employeurs qui, reconnaissons-le, ne peuvent pas tout connaître et ont aussi besoin qu’on leur facilite parfois la tâche.

Le recruteur québécois n’a pas le temps de faire une gymnastique intellectuelle quand il est devant un curriculum-vitae (CV). Il veut avoir une information claire et précise sur cet outil qui ne doit laisser aucune équivoque. C’est pourquoi le CV doit être accrocheur et donner au recruteur le goût de rencontrer le chercheur d’emploi.

Les conseillers en emploi rencontrent, souvent, certaines clientèles, notamment africaines et maghrébines, qui tiennent mordicus à mettre sur leur CV certaines informations faisant partie de leur parcours de vie. Ces dernières ne veulent pas systématiquement sélectionner certaines informations en lien avec le poste requis. Autrement dit, certaines personnes immigrantes se sentent dévalorisées quand les conseillers en emploi leur demandent de ne pas mentionner sur leur CV un domaine de formation élevé ou une expérience de travail non pertinente de crainte de ne pas attirer l’attention du recruteur. Dans ce cas de figure, il existe une différence d’approche et d’école chez les conseillers en emploi.

Un employeur québécois qui voit dans un CV un niveau de formation qui ne correspond pas à celui qu’il exige pour le poste peut bel et bien se poser des questions. Différentes interprétations sont alors possibles pour l’employeur :

  • Le candidat fera-t-il une longue carrière au sein de son entreprise? D’où la question en entrevue « où est-ce que vous voyez dans cinq ans? »
  • Le candidat veut-il faire de son entreprise un tremplin pour gagner plus d’expérience ou perfectionner ses connaissances?
  • Le salaire qu’il lui propose conviendrait-il à cette personne en fonction de son niveau de scolarité et de ses années d’expérience?
  • Le candidat démontrera-t-il une grande motivation pour ce poste, etc.?

Cette perception du CV parfait et valorisant sur le niveau d’études élevé confirme le culte du diplôme chez les Africains et Maghrébins. Une attitude compréhensible pour un conseiller en emploi d’origine immigrante qui connaît la valeur du diplôme chez ceux originaires de cette région du monde. Cependant, le culte du diplôme à outrance peut également produire l’effet inverse dans un contexte nord-américain.

Dans la partie « Le CV dans une perspective de sélection – le point de vue du recruteur », l’auteur québécois Stéphane Boudriau mentionne que :

« Pour les employeurs, le curriculum vitae est souvent le premier contact avec les candidats potentiels. Ce contact permettra à l’employeur de déterminer s’il poursuit la démarche avec les postulants ou si le CV sera placé dans la pile de rejets. […] Les avis divergent quelque peu à ce sujet, mais on mentionne que les employeurs passent, en moyenne, entre une dizaine et une trentaine de secondes à examiner le document[2]. »

En affirmant que « le CV parfait n’existe pas[3] », Stéphane Boudriau a voulu attirer l’attention du chercheur d’emploi sur la personnalisation du document.

« Plutôt que de tenter de rédiger le CV parfait, misez plutôt sur le bon curriculum vitae. Le bon CV est celui qui vous ressemble, celui où vous aurez su, à votre façon, écrire de manière directe et nette, parler le langage de votre interlocuteur et faire ressortir les points clés (Bacus et Parra‑Pérez, 1990). Le bon CV doit offrir un heureux mariage entre la formation, l’expérience et les compétences[4]. »

Il y a des candidats qui sont prêts à aller sur le marché du travail et qui ont les atouts nécessaires pour comprendre l’environnement de travail et la société dans laquelle ils se trouvent, ce que nous appelons des conseillers en emploi en herbe. Ils sont eux-mêmes des conseillers en emploi potentiels et connaissent l’essentiel du discours d’une intégration réussie. Cependant, la très grande majorité a besoin d’un accompagnement individualisé. En réalité, chaque candidat est un cas unique et a besoin d’un plan d’action personnalisé.

Stéphane Boudriau, au neuvième chapitre intitulé « La lettre de présentation : un document crucial », souligne :

« Une lettre [de présentation ou de motivation selon l’appellation française] bien rédigée, qui met en relief, en quelques paragraphes, vos motivations et votre potentiel, incitera l’employeur à ouvrir votre CV pour en savoir plus[5]. »

« Votre lettre de présentation, qu’on appelle aussi lettre d’introduction ou lettre de candidature, tient presque lieu de première poignée de main avec l’employeur et influencera à coup sûr la première impression qu’il aura de vous. Il convient donc d’y apporter toute l’attention et l’application nécessaires[6] », souligne-t-il.

Monsieur Boudriau définit les contours d’une meilleure rédaction de la lettre de présentation :

« En général la lettre [personnalisée] devrait s’articuler en trois ou quatre paragraphes distincts. Paragraphe un : le rappel du poste sollicité ; paragraphe deux : la mise en relief des compétences et du potentiel ; paragraphe trois : la démonstration de son intérêt pour le poste et pour l’entreprise ; paragraphe quatre : les indications sur sa disponibilité et une formule de politesse[7]. »

Dans les offres d’emploi, les employeurs ont souvent tendance à mettre, au niveau de la description des compétences, des informations reliées à des connaissances ou notions ou expériences dans le domaine exigé ou toute autre combinaison de formation et d’expérience jugée équivalente ainsi que les aptitudes et connaissances linguistiques. Les exigences et conditions de travail se traduisent également par le niveau d’études (universitaire, collégial, diplôme d’études secondaires (DES)) et les années d’expérience en lien avec l’emploi convoité. Les principales fonctions permettent également au chercheur d’emploi de faire un décryptage de l’offre d’emploi.

Une meilleure stratégie consiste à faire ressortir les compétences recherchées par les employeurs tout en personnalisant l’approche. Les nouveaux arrivants ont intérêt à mettre en avant dans leurs entrevues leurs compétences ainsi que leurs réalisations afin de convaincre les recruteurs de la transférabilité réelle des compétences acquises ou développées dans leur pays d’origine au profit des entreprises québécoises.

Pour que le CV ne se retrouve pas à la poubelle, la personne immigrante doit trouver une adéquation entre les exigences requises et les compétences et qualités demandées.

Les diplômés hors Québec vont travailler dans des postes d’entrée et souvent même dans un domaine d’activité qui n’était pas au départ leur secteur de formation. Il convient de rappeler que les personnes immigrantes d’origine africaine, maghrébine par exemple, ne sont pas habituées également à faire des tests d’orientation tout comme des tests psychométriques ou de personnalité qui évaluent leurs aptitudes mentales et physiques. Un bilan de compétences (par les conseillers d’orientation) ou un inventaire de compétences (par les conseillers en emploi) peut s’imposer pour les aider à mieux valider leur objectif d’emploi et à mieux cibler l’environnement de travail.

Différents moyens pédagogiques tels que les exercices de simulation par vidéo par exemple permettent au candidat d’apprendre de ses erreurs et de se sentir en confiance en entrevue grandeur nature.

La capacité d’adaptation constitue également un facteur important pour embaucher les personnes immigrantes.

L’employeur veut connaître les compétences essentielles du candidat et les évalue à partir de certaines questions théoriques ou de mises en situation pratiques : le contexte et la nature du problème, la manière dont le problème a été résolu et les résultats obtenus. Le candidat doit souvent éviter de dire « On » et ne doit pas faire une utilisation abusive du « Nous ». Il est important d’utiliser le pronom personnel « Je » et le pronom démonstratif « J’ai » en parlant des réalisations. Le juste milieu entre le « Je » et le « Nous » doit prévaloir pour un meilleur dosage des arguments.

Certains candidats peuvent se laisser aller en entrevue en ayant en tête, de manière inconsciente, que le recruteur québécois qui a déjà leur CV en main connaît très bien leur parcours professionnel ainsi que leur personnalité. Autrement dit, ils se contentent de dire que toutes les informations sur leur profil sont déjà indiquées dans le CV. Cependant, ils doivent démontrer que le CV ressemble à la personne aussi bien sur le plan des compétences techniques que relationnelles. Le comité de sélection, qui est souvent composé de trois personnes, réunissant une personne des ressources humaines ou des conseillers en dotation, un gestionnaire ou un superviseur selon l’organigramme de l’institution, ne se livre pas à des questions pièges. Toutefois, ledit comité ne veut pas se tromper dans le choix du profil dans la mesure où le recrutement coûte du temps, de l’énergie et de l’argent.

La bonne connaissance du marché du travail québécois est un indicateur pour une intégration rapide en emploi. Un chercheur d’emploi qui connaît les valeurs, la culture organisationnelle, la mission de l’entreprise, est mieux outillé pour affronter le marché du travail.

Les secteurs qui recrutent sont très nombreux. Le magazine Jobboom identifie chaque année Les carrières d’avenir en se basant sur des données colligées à partir des acteurs institutionnels et économiques de toutes les régions du Québec. Au niveau des secteurs d’emploi, on retrouve Santé et services sociaux (entre 16 000 et 22 000 travailleurs devront être recrutés chaque année d’ici 2015); Construction et bâtiment (entre 10 000 et 14 000 travailleurs devront être recrutés par année d’ici 2016); TIC (d’ici 2014, 75 000 travailleurs en TIC devront être recrutés chaque année); Mines (d’ici 2021, une prévision de l’industrie estime le recrutement de 18 000 nouveaux travailleurs); Secteur de l’éducation; Environnement, etc. Les soudeurs, les monteurs et techniciens d’usinage font partie des formations gagnantes[8].

Les services de counseling et d’accompagnement visent à faciliter de manière efficace les démarches de recherche d’emploi. L’action du professionnel auprès du participant ou du chercheur d’emploi met l’accent sur l’accompagnement, mais aussi et surtout, sur l’intégration en emploi.

Le conseiller en emploi répond aux besoins de la clientèle qui souhaite obtenir un emploi convenable et durable. C’est également dans ce cadre que s’inscrivent les visites d’entreprise et les activités de réseautage auprès des employeurs ou des acteurs du marché du travail pour permettre aux candidats d’avoir des informations sur la culture organisationnelle des entreprises, sur le processus de recrutement, afin de mettre toutes leurs chances de leur côté.

Les immigrants ont des parcours différents et développent parfois des attentes surévaluées par rapport au marché du travail québécois.

Les conseillers en emploi ont, à la fois, un rôle technique et social (encadrement et agent de transformation sociale). Par exemple, face à des décrocheurs scolaires ou des mères de famille monoparentales ou même face à des immigrants déboussolés, voire frustrés, ou en quête ou reconquête de leur identité professionnelle, la meilleure approche consiste à valoriser leurs compétences pour rehausser leur estime de soi.

Ils ont un impact positif chez les personnes qu’ils rencontrent et contribuent ainsi au développement socioéconomique de la société québécoise. En aidant les candidats à comprendre les cadres de référence des employeurs permettant ainsi une meilleure culture organisationnelle, une harmonie et un environnement de travail adéquat, les conseillers en emploi participent à leur intégration rapide en emploi.

Ce texte est extrait  de mon  livre « Intégration : une responsabilité partagée entre la personne immigrante et la société d’accueil » paru le 2 avril 2014.

[1] Denise Fontaine, Chantal Nault et Marie-Josée Richer, Guide d’auto-accompagnement en recherche d’emploi : l’énergie d’une démarche réflexive et structurée, Sherbrooke, Éditions du CRP, 1997, p.10, 160 p.

[2]   Stéphane Boudriau, Le CV par compétences – votre portefeuille pour l’emploi, 2eédition revue et enrichie, Montréal, Les Éditions Transcontinental, 2002, p. 21, 327 p.

[3] Pour savoir les avantages et les limites des différents CV, consulter le livre de Stéphane Boudriau, Le CV par compétences – votre portefeuille pour l’emploi, 2eédition revue et enrichie, Montréal, Les Éditions Transcontinental, 2002. Les CV traditionnels (le CV chronologique, le CV fonctionnel, le CV mixte ou CV combiné) et le CV par compétences.

[4]   Op.cit; p. 22-23.

[5]   Op.cit; p.271.

[6]   Ibid; p.271.

[7]    Op.cit; p. 274-275.

[8]   Pour aller plus loin sur ce sujet, lire Les carrières d’avenir 2013, Jobboom, 16e  édition, 30 janvier 2013.

Première publication : 11 décembre 2014

Source : Blogue de l’intégration professionnelle (Doudou Sow)

Par Doudou Sow le Jeudi 16 Novembre 2017 dans Avis de l’expert, Blogue, COIN DE L’EXPERT, CONSEILS, Conseils d’entrevue, Importance du réseautage, L’ABC de l’intégration, Stratégies de recherche d’emploi, Travailler au Québec, Travailleurs permanents. Aucun commentaire