« Nous souhaitons que les autorités veillent à ce que le choix des sénégalais soit reflété sans altération au niveau des résultats ». Cette déclaration du 2 février dernier d’un ancien premier ministre et candidat à l’élection présidentielle Idrissa Seck est révélatrice du climat de suspicion de confiscation du suffrage universel confirmé par les gestes antirépublicains de Macky Sall et de son ministre de l’intérieur.

Dans cette même perspective, l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade avait déclaré le mardi 5 février que les conditions d’une élection libre, transparente, démocratique et inclusive n’étaient pas réunies. En clair, le président-candidat à sa propre succession Macky Sall a déjà gagné l’élection du 24 février. Pour cette raison, Me Wade entend toujours « s’opposer à la tenue d’une élection entièrement fabriquée dans le seul but de réélire Macky Sall ».

Selon lui, le système électoral mis en œuvre par le président Macky Sall lui permet de se déclarer vainqueur au premier tour dans un système électoral à deux tours. Il pointe du doigt aussi l’existence de bureaux fictifs qui représenteraient « 357.000 voix ». Les bureaux fictifs sont des bureaux qui existent dans une zone mais ne sont pas localisés, ainsi des bureaux annoncés aux préfectures ne sont pas conformes aux bureaux existants, ne correspondent pas à des bureaux officiels indiqués dans la carte. Des duplicatas des cartes d’électeurs « estimés aux environs de 400.000» se déploieraient dans des bureaux fictifs. La suppression ou l’empêchement des votes « de plus de 1,5 million de primo inscrits de voter par défaut de carte d’électeur » est également dénoncée par Me Wade. Lors d’une réunion élargie du comité directeur du parti démocratique sénégalais (Pds), le secrétaire général de ce parti avait affirmé que : « selon (ses) informations, le président Macky Sall a créé 352 420 faux électeurs. Les résultats des différents centres de vote sont calculés à partir de chiffres (…). Il y a le fichier qui donne déjà à Macky Sall un avantage de plus de 350 000 électeurs, et ça, ce n’est pas une élection », s’offusque-t-il.

Bien avant cette déclaration de soupçons de fraude à grande échelle du pape du Sopi (changement) et de la nécessité de sécuriser le fichier et la carte électorale avant l’élection, le leader et candidat à la présidentielle, Ousmane Sonko avait exposé, lors d’un rassemblement politique le 5 janvier dernier, les différents actes posés par le président Macky Sall pour dérouler arbitrairement son coup de force électorale présidentielle.

Un autre candidat à l’élection présidentielle, Issa Sall, partage les mêmes inquiétudes sur la non-transparence de cette élection. Dans un article Fraudes : Les révélations du PUR sur le régime en place ! , le leader du candidat du Parti de l’unité et du rassemblement (PUR) dénonçait une manipulation du fichier électoral. Selon ce spécialiste des questions électorales : « Quand on donne au Conseil constitutionnel un fichier qui n’est pas encore stabilisé et qu’on traite le parrainage sur cette base, c’est de la fraude. L’élimination de candidats c’est de la fraude ». Ce docteur en informatique et ancien commissaire à la Commission électorale nationale autonome (CENA) sait bien de quoi il parle.

Parler de hold-up électoral n’est en aucune façon un aveu de défaite prématurée de l’opposition sénégalaise ou un appel à boycotter cette élection cruciale, ce qui serait une grave erreur. L’objectif de ce texte est d’analyser, faits à l’appui, les gestes posés par le président candidat Macky Sall pour empêcher certains Sénégalais d’utiliser leurs droits constitutionnels et forcer son élection au premier tour, comme il l’a souvent annoncé. 

C’est même un recul démocratique de penser à l’heure actuelle que des élections puissent être volées dans un pays jadis vitrine de la démocratie africaine et qui vote depuis 1848. La forte probabilité d’une fraude électorale est aujourd’hui l’un des sujets les plus débattus par des citoyens sénégalais dans le contexte préélectoral, durant la campagne électorale et même à une semaine du scrutin présidentiel. Au vu de certains faits saillants, les Sénégalais n’ont pas tort de soulever cette éventualité. Avant de passer en revue certains actes, il convient de faire un bref rappel historique sur cette problématique.

Mise en contexte historique et actuel

L’élection présidentielle du 28 février 1988, sous le régime du président Abdou Diouf, était considérée comme une élection truquée par bon nombre de Sénégalais. L’annonce des résultats contestés avait déclenché des violences entraînant un décret d’état d’urgence. En dehors de cet épisode, l’élection présidentielle du 25 février 2007 avait été qualifiée par certains membres de l’opposition comme étant aussi une élection truquée. Certains d’entre eux et la population sont même allés jusqu’à dire que ce sont les ‘’djinns’’ (mauvais esprits invisibles) qui ont voté pour l’ancien président Abdoulaye Wade. Pourtant, la victoire exemplaire de Me Wade s’expliquait par un très bon bilan d’où le slogan Wédi Guiss bokouci (la preuve par les faits) et une victoire éclatante dans les grands centres urbains, comme le rappelait justement le porte-parole du parti de Rewmi, Abdourahmane Diouf, dans une émission présentée par Mamoudou Ibra Kane sur iRadio, le 3 février dernier. (Lire à ce sujet notre dernier article Le coup de force électorale du président-candidat Macky Sall).

Mais l’élection du 24 février, sous le règne de Macky Sall, est particulière sur plusieurs points et plusieurs faits concordants permettent de prouver une mainmise de fer du président Macky Sall sur le processus électoral, une attitude entraînant un manque de confiance justifié entre les différents acteurs politiques. Les faits parlent d’eux-mêmes.

Premier acte d’une stratégie ou logique de hold-up électoral en amont

La mise à l’écart programmée de candidats potentiels (Karim Wade, ancien ministre et Khalifa Sall, dissident du Parti socialiste et maire déchu de Dakar) et une imposition de la loi du parrainage votée, sans débat, à l’Assemblée nationale, le 19 avril 2018, obligeant les candidats à l’élection présidentielle à obtenir, dans au moins sept régions du Sénégal, entre 0,8 et 1% des signatures des électeurs inscrits du fichier électoral dans l’espoir de passer à la première étape de la validation de la candidature par le Conseil constitutionnel.

Deuxième acte par le biais d’un système opaque du parrainage

En plus de la liquidation politico judiciaire de ses deux candidats, certains candidats qui ont déjà des bases électorales solides et ont abattu un travail sur le terrain politique depuis des années ont été éiminés (Pape Diop, Malick Gakou (supposé manquer de 526 parrains), Aissata Tall Sall, Aïda Mbodj et un nouveau phénomène implanté sur le territoire avec un mouvement citoyen (Bougane Guéye Dany) qui disait avoir récolté et fait constater par huissier plus de 800 000 parrains.

Le peuple sénégalais avait noté des bousculades et violences au moment du dépôt des candidatures au Conseil constitutionnel causées par la réglementation de l’ordre de passage. Il a même fallu la mobilisation des forces de l’ordre, une première dans l’histoire sénégalaise pour un seul dépôt de candidature, ce qui attestait de la tension électorale. Le gouvernement avait déjà prévu son coup et voulait coûte que coûte que la mandataire du parti présidentiel passe en force en première position afin d’éliminer par la suite des adversaires politiques.

Troisième acte sur le traitement inéquitable entre les candidats

Le président Macky Sall est le seul candidat à l’élection présidentielle à avoir accès au fichier électoral intégralement. Une iniquité dans un État de droit, entre lui et les candidats de l’opposition, qui ont souvent exigé, en vain, l’accès à un fichier réel et équitable. Les candidats à la présidentielle ont été recalés sur la base d’un fichier de référence auquel un seul candidat, le président Macky Sall, avait accès, un favoritisme et une grave discrimination.

La question qui est légitime de se poser est de savoir pourquoi le gouvernement a retardé de donner le fichier à l’opposition. Certains acteurs politiques le soupçonnent de masquer leur campagne de fraude afin que l’opposition découvre tardivement les pièges de cet instrument de référence.

Quatrième acte sur la fiabilité du fichier électoral – Les révélations exclusives d’un journaliste investigateur sur l’existence de plusieurs fichiers et non encore démenties par l’Union européenne (UE)

Il faut se poser la question à savoir quel fichier les experts allemands de l’Union européenne ont audité dans la mesure où on parle de plusieurs fichiers. La fiabilité du fichier électoral a été remise en cause dans le cadre du parrainage citoyen par les révélations explosives du journaliste investigateur Mamadou Mouth Bane sur l’existence de deux fichiers électoraux et des preuves palpables ont été aussi fournies par certains candidats recalés à l’élection présidentielle. Selon les révélations explosives du journaliste de DakarTimes, les « sept sages » du Conseil constitutionnel devant valider les parrainages et les candidatures à l’élection présidentielle travaillaient avec un faux fichier électoral, taillé sur mesure par le président Macky Sall. Des fonctionnaires notamment des policiers du ministère de l’intérieur avaient fourni au directeur de la publication l’information sur les magouilles électorales. Un simulacre d’élections se dessinait ainsi puisque selon toujours ce journaliste, il y a des personnes qui sont dans le registre et qui n’ont pas de cartes d’électeurs parce que la Direction de l’Automatisation des Fichiers (DAF) n’avait pas fait la mise à jour de leurs cartes. Par contre, la DAF avait fait la mise à jour pour les partisans du président Macky Sall en identifiant déjà les personnes qui devaient recevoir leurs cartes d’électeurs (300 000 personnes bénéficiaires de la bourse familiale, les 10 000 agents de l’Agence d’Assistance à la Sécurité de Proximité (ASP), les bénéficiaires des financements de la Délégation Générale à l’Entreprenariat Rapide (DER), une inscription sélective des partisans du pouvoir à travers leur adhésion politique). Certains de ces électeurs avaient même reçu leurs cartes par la poste.  C’est ce même fichier électoral que le président Macky Sall voulait valider de manière unilatérale et l’utiliser lors de l’élection présidentielle. Lors de la conférence de presse des leaders de l’opposition, le professeur Issa SALL, expert dans le domaine des questions électorales, avait aussi affirmé que le Conseil constitutionnel ne détenait pas le bon fichier électoral.

Cinquième acte- l’imposition d’un ministre de l’intérieur partisan pour organiser l’élection, une rupture dans le consensus électoral sénégalais 

Si certains membres du gouvernement et du parti présidentiel disent qu’on ne peut plus voler les élections au Sénégal, pourquoi donc le président Macky Sall refuse de confier l’élection à une personnalité neutre, une tradition démocratique depuis les anciens présidents Abdou Diouf et Me Abdoulaye Wade?

Les ministres de l’intérieur (France, Espagne, etc.) qui organisent des élections sont des ministres républicains respectant des lois et règles du jeu démocratique dans des pays où la séparation des pouvoirs est bien ancrée dans la démocratie institutionnelle et représentative.

Le déroulement d’un schéma mis en œuvre par Macky Sall est exécuté à la lettre par son ministre de l’intérieur partisan qui a juré publiquement de tout faire pour que son candidat gagne au premier tour des élections en inscrivant et faisant voter massivement pour son candidat alors que des milliers de Sénégalais réclament depuis des mois leurs cartes d’électeurs, un droit constitutionnel. L’ancien ministre de l’Énergie et des Mines a un grand intérêt à ce que le président Macky Sall remporte les élections puisqu’il serait lui-même impliqué dans certains dossiers (accusé ou soupçons de pots de vin dans différents scandales, dossier Arcelor Mittal, éclaboussé dans le rapport de l’Inspection générale d’État (IGE), Pétro-Tim, Bictogo).

L’opposition a fait, à juste titre, du départ de ce ministre une condition indispensable d’une élection transparente en demandant que l’on confie l’organisation des élections à une personnalité neutre, un acquis démocratique issu d’un consensus électoral sous les anciens présidents, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.

Le départ de ce ministre est aussi exigé par un membre influent et crédible de la société civile sénégalaise. Le tweet du coordonnateur Forum civil, section sénégalaise de Transparency International au sujet de la fraude électorale, est partagé par une écrasante majorité de la population sénégalaise. « Nous réitérons encore une fois qu’un ministre de l’intérieur partisan ne peut pas mettre en confiance ses propres concurrents. De plus, nous soutenons que le Directeur de la DAF doit démissionner. La paix sociale n’a pas de prix ». Des individus étaient en train de s’inscrire sur les listes électorales, le 13 février, alors que les listes ont été clôturées depuis un an.

Comment faire confiance à un ministre qui a falsifié des documents comme l’expliquait un ancien  commissaire qui l’interpellait à travers une lettre Le commissaire Boubacar Sadio interpelle Aly Ngouille Ndiaye sur l’affaire Petro-Tim Ltd : «Monsieur le ministre de l’Intérieur, votre silence serait-il un aveu de culpabilité» ? dans laquelle il revient sur « de très graves accusations portées contre (lui) vous par le sieur Abdoul MBAYE, ancien Premier Ministre du Président Macky Sall. En effet, ce dernier, contre signataire des deux décrets attribuant des permis de recherches et d’exploitation d’hydrocarbures liquides et gazeux à Petro-Tim Ltd, a déclaré à plusieurs reprises et ne cesse de le faire chaque fois que l’occasion lui en est donnée, que les décrets avaient été signés sur la base de vos rapports de présentation qui comportaient de fausses informations dans le but manifeste et le dessein malveillant et évident de surprendre la vigilance du Chef de l’État, de le tromper et d’emporter son adhésion en abusant de sa confiance ». 

Le ministre de l’intérieur a privé certains citoyens sénégalais de leurs droits constitutionnels de voter pour un candidat de leur choix soit en faisant une rétention de leur carte d’électeur, en changeant subitement la carte électorale à moins de deux mois des élections ou en inscrivant sur le dos de la carte d’identité CEDEAO des primo-votants « personne non inscrite sur le fichier électoral ».

Constat et sixième acte matérialisés par le précédent des élections législatives de 2017Le président Macky Sall aidé par son ministère de l’intérieur veut rééditer le coup de la désorganisation volontaire des élections législatives de 2017

Lors des élections législatives de 2017, il y avait beaucoup de problèmes avec les cartes d’électeurs et des Sénégalais n’avaient pas reçu leurs cartes d’électeurs, ils n’avaient pas aussi le temps et certains n’étaient pas dans le fichier. Les élections législatives constituent la plus mauvaise organisation d’une élection dans l’histoire électorale sénégalaise. La bonne organisation d’une élection est la responsabilité exclusive d’un État.

800 000 cartes d’électeurs n’avaient pas été fabriquées, un million de cartes n’avaient pas été aussi distribuées, donc 2 millions de Sénégalais n’avaient pas voté. Après la mauvaise expérience du référendum, des dysfonctionnements dans l’organisation du vote des élections législatives du 30 juillet 2017 étaient notés dans presque tout le pays. L’État avait créé les conditions pour désorganiser volontairement les élections pour reprendre l’expression du célèbre du journaliste indépendant Pape Alé Niang qui avait constaté, comme d’ailleurs tous les citoyens sénégalais, une planification savamment orchestrée par le pouvoir en place pour saboter le vote dans les localités qui ne leur étaient pas favorables (vol des élections, ordres de mission à Dakar (près de 7 500 ordres de mission, Législatives 2017 : les ordres de mission ont permis à la coalition BBY (coalition présidentielle) de gagner les élections à Dakar, titrait un journal) , fermeture de bureaux ou destruction et démarrage tardif des bureaux de vote dans les localités moins favorables à la mouvance présidentielle, manque de bulletins du candidat Wade dans son fief à Touba, début du vote tardif dans certains bureaux de vote défavorables au président, rétention des cartes d’électeurs, rétention des cartes d’électeurs, transfert de cartes d’électeur d’une région à une autre, etc.).

L’histoire semble se répéter avec les derniers événements. Des faits récents donnent encore raison à l’opposition, à la société civile et à la population. Récemment, le  directeur de la campagne Madické 2019, Habib Sy, a fait de graves révélations selon lesquelles le ministre de l’Intérieur aurait créé un bureau de vote à l’intérieur de son domaine agricole (l’élément cité se trouve à la 3.43).

La carte électorale a été faite avec des abris provisoires dont on ne donne pas leur localisation effective.

Septième acte : la redéfinition de la carte électorale (bureaux et centres de votes) à quelques deux mois de l’élection présidentielle, une décision contraire aux directives de la CDEAO qui stipule le non-changement du code électoral avant six mois des élections

La redéfinition de la carte électorale qui concerne officiellement 53 000 électeurs est un coup de massue à la démocratie sénégalaise. Pire encore, cette décision volontaire et arbitraire savamment orchestrée par le pouvoir impacterait négativement certains électeurs qui pourraient être surpris lorsqu’ils se présenteront le jour du vote, si rien n’y est fait, de constater que leurs noms ne figurent pas sur le registre électoral ou listes électorales. Le candidat Ousmane Sonko avait fait une pertinente remarque suivant laquelle les Sénégalais ont souvent l’habitude de dire qu’ils attendent tranquillement le jour du vote pour sanctionner le président en exercice. Or, le vol des élections se fait avant le jour des élections et l’opposition réunie a invité récemment la population à dire non à « la tentative de coup d’état électoral de Macky Sall ».

Nouvelle carte électorale: 15000 électeurs risquent de ne pas voter à Touba. Cette révélation exclusive datée du 14 février dernier vient du président de La Ligue Sénégalaise des Droits Humains (LSDH), Me Dioma Ndiaye « La crainte que nous avons aujourd’hui relativement à l’effectivité du droit de vote, c’est cette modification de la carte électorale. Plus de 53 mille électeurs sont concernés. Or, personne ne nous démontre le moyen qui a été utilisé pour informer ces 53 mille électeurs de ce changement et du fait qu’ils doivent restituer leurs anciennes cartes et aller récupérer leurs nouvelles cartes d’électeurs dans les nouvelles commissions ».

Il demeure évident que cette modification est faite délibérément par le ministre de l’intérieur puisque la ville religieuse de Touba est le fief du principal parti d’opposition (PDS) et confirme ainsi la volonté du pouvoir d’exclure des milliers de Sénégalais de leurs droits civiques consacrés par la constitution et ce malgré le coût des 52 milliards (environ 118 M dollars canadiens) de la confection des cartes. « Et à Touba, poursuit Me Ndiaye, nous avons 15 mille électeurs qui sont concernés, sachant que là-bas ces gens ne sont pas forcément lettrés et par conséquent pas forcément informés. C’est un précontentieux qui est là (…). »

Le bourrage des urnes peut, certes, se faire difficilement le jour des élections mais un processus électoral biaisé, qui ne milite pas pour un scrutin régulier et transparent, donne une longueur d’avance au pourvoir en place qui détient la machine de l’État, les moyens financiers et une justice inféodée.

Les soupçons de fraude électorale se multiplient à moins d’une semaine du premier tour de l’élection présidentielle. Le président Macky Sall a une idée du nombre de parrains favorables à l’opposition et la crainte de modifier la carte électorale s’est finalement avérée. Dans une entrevue à Seneweb Présidentielle 2019 : Les graves révélations de Barthélémy Dias sur la manipulation du fichier électoral, le maire Barthélémy Diaz a démontré que des électeurs qui avaient parrainé des candidats de l’opposition se sont retrouvé dans des villes différentes. On se souvient aussi que le Conseil constitutionnel avait aussi travaillé sur un support électronique qui avait été manipulé. Cette vidéo de M. Dias est une preuve supplémentaire de la fraude électorale qui se prépare.

Quelqu’un qui choisit ses candidats et ses électeurs choisit forcément ses résultats, répètent souvent les membres de l’opposition. Le maire et soutien indéfectible de l’ancien maire et député Khalifa Sall a démontré, preuve à l’appui, la fraude électorale donnant ainsi raison à l’ancien président Abdoulaye Wade : « Voici des milliers de Sénégalais extirpés du fichier électoral. Leur seul tort est d’avoir parrainé un autre candidat que le candidat Macky Sall. Ceux qui habitent Diourbel ont tous parrainé le candidat Mamadou Camara, on les a basculés à Dakar. Vous verrez vous-même qu’on a changé leurs régions d’origine par une autre région à leur insu ». Dans une autre vidéo intégrale Les graves révélations de Barthélemy Dias sur les fraudes électorales…, il a continué à donner des cas flagrants citant ainsi des noms de candidats basculés, soit dans la région de Dakar, Fatick ou Kaolack, dénonçant ainsi la complicité de la Commission électorale autonome (CENA) et indiquant par la même occasion avoir averti l’Union européenne (UE).

La question que DakarTimes a posé aux observateurs de L’UE et la réponse laconique titrait ce journal qui s’interroge sur la rigueur du travail des observateurs. Les observateurs de l’Union européenne doivent donc éclairer la lanterne des Sénégalais sur les accusations de l’opposition relatives aux graves manquements du processus électoral.

Huitième acte – la baisse du poids électoral dans des localités ou zones où l’opposition est majoritaire

La baisse du poids électoral dans des localités ou zones où l’opposition est majoritaire est aussi un indice flagrant de la fraude électorale du pouvoir actuel. Une capture d’écran Facebook du journaliste canadien Adama Diouf qui s’appuyait sur une comparaison d’Amadou Bakhaw Ndiaw nous indique clairement la stratégie de fraude dans l’axe Dakar-Thiès-Diourbel, trois régions au plus grand nombre d’électeurs au Sénégal, qui devraient voir leurs nombres augmenter davantage plutôt que de connaître un recul.

La comparaison de deux cartes sur deux années électorales montre nettement qu’en 2012, il y avait 52,3 % d’électeurs contre 47, 7% d’électeurs en 2019. Cherchez l’erreur. Pendant ce temps, on voit une augmentation spectaculaire d’électeurs dans les régions favorables au régime. Par exemple, il y a eu comme le soulignait le journaliste Adama Diouf « un bond spectaculaire du nombre d’inscrits dans la région de Matam :en 2012,  ils étaient 186.068  et en 2019, ils sont 273.068, soit une hausse de 87.646 ».

Historiquement, les statistiques ne sont pas favorables au parti présidentiel dans ces zones et on note ainsi une volonté manifeste de supprimer des votes. Dans des zones qui sont favorables au pouvoir actuel, les électeurs votent dans de bonnes conditions et retirent leurs cartes d’électeurs normalement (Matam, Podor, Fatick, par exemple) et dans certaines localités moins favorables, les électeurs ont des difficultés à voter. En clair, il existe une volonté manifeste d’empêcher les zones à forte capacité électorale de voter le jour du scrutin.

Neuvième acte : la censure sur les réseaux sociaux qui donne en temps réel les résultats

La nouvelle loi sur le code de communication s’est dotée d’un cadre légal pour censurer l’internet, ce qui est très difficile avec l’utilisation des VPN. La décision des coupures internet ou réseaux sociaux, qui donneront spontanément des résultats, constitue des tentatives pour masquer des fraudes électorales. (Lire notre prochain article, Le président-candidat du reniement et de la fermeté)

La société civile, sous la houlette de Me Mame Adama Guéye, a décidé de sécuriser le processus électoral, par le biais de la Plateforme opérationnelle de sécurisation des élections (POSE).

On observe plusieurs éléments inquiétants : un constat récurrent de contestations, de légitimité et de crédibilité d’une administration et d’une institution partisane – un manque de confiance entre les acteurs politiques et certaines institutions (CENA, DAF, Conseil constitutionnel), et récemment un membre du CENA a été pris en flagrant délit d’impartialité.

Pistes de solution pour sécuriser et faire sortir le vote le jour du scrutin pour diminuer les risques de fraude électorale

L’objectif du pouvoir est d’encourager leurs partisans à aller voter, de dissuader les jeunes qui leur sont moins favorables à se rendre aux urnes. C’est une réalité mondiale que les primo-votants portent souvent leurs choix sur des partis d’opposition. Certaines pistes de solution ont été données par le chargé des élections de la Coalition Sonko Président 2019, Aldiouma Sow, dans une émission diffusée en ligne sur les réseaux sociaux (faire sortir massivement le vote, vérifier l’information ou la concordance entre le bureau de vote et l’information contenue dans la carte , faire le contrôle au moins avant la veille de l’élection pour s’assurer de la disponibilité des bulletins (exemple il n’y avait pas de spécimen du candidat Abdoulaye Wade dans certains bureaux à Touba, contrôler en amont le processus, contrôler le matériel électoral, demander aux citoyens d’aller sur le site samacarte.org pour vérifier certaines informations et contrer la rétention des cartes d’électeurs, ne surtout pas se décourager et recenser toutes les personnes touchées par les mesures de la modification de la carte électorale, la mutualisation des forces de l’opposition pour étudier de manière minutieuse la question, ….).

Il faut aussi mettre en place des brigades anti-fraude et empêcher des personnes qui traverseraient la frontière sénégalaise pour voter frauduleusement. Pour éviter toute fraude ou manipulation du fichier, les chargés d’élection des partis politiques doivent impérativement exiger un affichage des listes électorales avant la date de l’élection.

Il faut aussi consulter Sénégal Vote, une initiative citoyenne pour sensibiliser les électeurs. Ce site dispose d’un guide électronique pour sensibiliser l’électeur, comprendre davantage le processus électoral, la carte électorale. Les électeurs citoyens doivent donc se rendre sur ce portail pour connaître leurs lieux de vote quoiqu’on retrouve souvent cette mention ci-dessous d’un lien qui ne marche pas très souvent et même après plusieurs vérifications à des moments et jours différents.

Sous le règne du président Macky Sall, le vote est devenu un privilège et non un droit constitutionnel sénégalais. Le manque de transparence sur tout le processus électoral jette un discrédit sur l’égalité des chances entre les candidats et augmente la thèse de la programmation du vol des élections. La récurrence des contestations de l’opposition est justifiée par les preuves des résultats catastrophiques du parrainage.

Les actes posés par le président-candidat Macky Sall ne respectent pas les principes de démocratie. La carte d’électeur est un outil de changement qui donne ainsi le pouvoir d’agir. Certains électeurs sénégalais ont compris la première étape de concrétisation de leur désir de changement en allant s’inscrire massivement sur les listes électorales. Il faut donc que leurs droits constitutionnels soient respectés. Seule une élection libre et transparente permettrait une sortie de crise pacifique au Sénégal.

Doudou Sow, sociologue-blogueur, citoyen socialement engagé et lauréats du Mois de l’histoire des Noirs 2017 et du Gala de la Nuit de l’Excellence afro-antillaise 2019

Lire mes différents articles sur la situation politique sénégalaise :

Élection au Sénégal : pour un scrutin libre, démocratique et transparent

Un président candidat en conflit ouvert et permanent avec son peuple

Sénégal: une élection présidentielle verrouillée par l’actuel président Macky Sall

Sénégal: le respect du processus électoral, condition indispensable pour une élection apaisée

Lettre ouverte au secrétaire général de l’ONU, António Guterres, sur la situation politique tendue au Sénégal

Une élection présidentielle à haut risque au Sénégal

Une élection présidentielle à haut risque au Sénégal

Un président candidat en conflit ouvert et permanent avec son peuple

La rupture du dialogue politique, une première dans l’histoire démocratique sénégalaise

Une fraude électorale est-elle encore possible au Sénégal ?

M. Trudeau, les gestes posés par le président que vous accueillez sont dignes d’un dictateur

Sommet de la francophonie : les vraies affaires

Sommet de la francophonie : les vraies affaires

La maturité du peuple sénégalais citée en exemple dans un livre sur l’intégration des immigrants

La question des flux migratoires dans le contexte de la mondialisation de l’immigration

Par Doudou Sow le Lundi 18 Février 2019 dans Blogue, Opinion, Opinion. Aucun commentaire