Lettre ouverte au Conseil constitutionnel du SĂ©nĂ©gal (par Sidy Alpha NDIAYE Professeur agrĂ©gĂ© de droit public Ă  Ă  l’UniversitĂ© Cheikh Anta DIOP de Dakar-UCAD)

La temporalitĂ© politique au SĂ©nĂ©gal est rythmĂ©e par la manipulation administrative du droit Ă©lectoral afin d’annihiler la libre participation Ă  l’élection prĂ©sidentielle du 25 fĂ©vrier 2024. Cette fraude Ă  la dĂ©mocratie et Ă  l’Etat de droit s’organise par l’installation, dans les reprĂ©sentations populaires, de l’idĂ©e selon laquelle la recevabilitĂ© des candidatures dĂ©pendrait de conditions extĂ©rieures Ă  la Loi. En droit Ă©lectoral, tout Ă©lecteur est Ă©ligible lorsque les prĂ©requis lĂ©gaux sont remplis (Ăąge, nationalitĂ©, parrainages
). Le lĂ©gislateur sĂ©nĂ©galais a, en 2018, consacrĂ© la liaison entre l’éligibilitĂ© et la qualitĂ© d’électeur pour toutes les Ă©lections. En somme, il faut d’abord ĂȘtre Ă©lecteur avant d’ĂȘtre Ă©ligible. En ce sens, l’article L. 57 al.1 du Code Ă©lectoral ne laisse place Ă  aucune interprĂ©tation prĂ©torienne en disposant trĂšs clairement que « tout SĂ©nĂ©galais Ă©lecteur peut faire acte de candidature et ĂȘtre Ă©ligible, sous rĂ©serve des conditions d’ñge et des cas d’incapacitĂ© ou d’inĂ©ligibilitĂ© prĂ©vus par la loi Â». A cette aune, les candidatures de Messieurs Ousmane SONKO et de Bassirou Diomaye FAYE remplissent toutes les exigences lĂ©gales. En validant ces candidatures, le Conseil constitutionnel dĂ©montrera, par sa fonction de rĂ©gulation, qu’il est pleinement investi dans un constitutionnalisme promouvant la dĂ©mocratie pluraliste et l’Etat de droit.

1. De quelques observations sur l’éligibilitĂ© incontestable de Monsieur Ousmane SONKO

L’annulation de la radiation de Monsieur Ousmane SONKO par le Tribunal d’Instance Hors Classe de Dakar, le 14 dĂ©cembre 2023, a pour consĂ©quence sa rĂ©intĂ©gration immĂ©diate dans le fichier Ă©lectoral. Le Tribunal d’instance a considĂ©rĂ©, en vertu de l’article 307 CPC, que l’arrestation de Monsieur Ousmane SONKO anĂ©antit de plein droit le jugement de la Chambre criminelle du Tribunal de Grande Instance de Dakar du 1 er juin 2023 condamnant celui-ci pour dĂ©lit de corruption de la jeunesse. La dĂ©cision de la Chambre criminelle Ă©tant sortie de l’ordonnancement juridique, la situation de contumax, dĂ©jĂ  juridiquement absconse, ne peut plus prospĂ©rer et, par consĂ©quent, aucune dĂ©cision de radiation ne pourrait se fonder sur une dĂ©cision judiciaire devenue inexistante. Il s’ensuit que l’éligibilitĂ© de Monsieur Ousmane SONKO ne saurait ĂȘtre discutĂ©e tant il est vrai que l’ordonnance rendue par le Tribunal d’Instance en date du 14 dĂ©cembre 2023 est d’application immĂ©diate par toutes les autoritĂ©s administratives en charge de la matiĂšre Ă©lectorale, la Direction GĂ©nĂ©rale des Elections et la Direction de l’Autonomisation du Fichier en l’occurrence.

L’article L. 47 al. 4 du Code Ă©lectoral et les articles 36 et 74-2 de la loi organique relative Ă  la Cour suprĂȘme prĂ©voient explicitement le caractĂšre non-suspensif d’un Ă©ventuel pourvoi en cassation devant ladite Cour. Autrement dit, l’introduction d’un pourvoi n’aurait aucune incidence sur l’obligation pour les autoritĂ©s administratives de se conformer, sans dĂ©lai, Ă  l’autoritĂ© de la chose jugĂ©e. L’urgence et la cĂ©lĂ©ritĂ© exigent, en matiĂšre Ă©lectorale, qu’une action contentieuse ne puisse prĂ©judicier au droit fondamental d’un candidat, Monsieur Ousmane SONKO, de se prĂ©senter au suffrage des SĂ©nĂ©galais.

L’atypisme juridique de la matiĂšre Ă©lectorale, pensĂ©e dans une logique de protection et de sauvegarde des droits fondamentaux, celui de concourir au suffrage universel notamment, commande qu’aucune manƓuvre dilatoire n’entrave la pleine rĂ©alisation des ressources normatives dĂ©diĂ©es aux citoyens-Ă©lecteurs. Pour preuve, cette matiĂšre Ă©chappe aux hypothĂšses limitatives dans lesquelles un recours suspensif est prĂ©vu. Toujours est-il que le refus opposĂ© par les services administratifs du ministĂšre de l’IntĂ©rieur, la DGE principalement, d’exĂ©cuter une dĂ©cision de justice, deux mois aprĂšs le premier refus d’exĂ©cution de l’ordonnance du Tribunal d’Instance de Ziguinchor rendue le 12 octobre 2023, viole l’article L. 47 al. 4 du Code Ă©lectoral et les articles 36 et 74-2 de la loi organique susmentionnĂ©e.

Ces refus rĂ©pĂ©tĂ©s, si le Conseil constitutionnel ne remplit pas la plĂ©nitude de son office, sont de nature Ă  prĂ©judicier la candidature de Monsieur Ousmane SONKO alors mĂȘme que les dispositions pertinentes prĂ©citĂ©es lui restituent l’intĂ©gralitĂ© de ses droits civils et politiques. Priver un candidat de sa libertĂ© de candidature, alors mĂȘme qu’il peut se prĂ©valoir d’une dĂ©cision de justice immĂ©diatement exĂ©cutoire, serait une atteinte grave aux Lois de la RĂ©publique ainsi qu’aux droits fondamentaux dont le gardiennage appartient ultimement au Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel serait responsable de cette violation de la loi Ă©lectorale s’il ne dĂ©clarait pas recevable la candidature de Monsieur Ousmane SONKO qui bĂ©nĂ©ficie d’une ordonnance de rĂ©intĂ©gration immĂ©diate dans le fichier Ă©lectoral et qui, par ricochet, retrouve sa qualitĂ© d’électeur. Face aux refus persistants de la DGE de remettre au mandataire de Monsieur Ousmane SONKO ses fiches de parrainages, il appartient au Conseil constitutionnel, sous le prisme du droit et de sa propre jurisprudence, de recevoir favorablement le dossier du candidat lĂ©sĂ© complĂ©tĂ© par des exploits d’huissier constatant que les piĂšces manquantes relĂšvent de la responsabilitĂ© intĂ©grale de l’Administration Ă©lectorale qui a, de maniĂšre caractĂ©risĂ©e, violĂ© l’article L. 47 al. 4 du Code Ă©lectoral et les articles 36 et 74-2 de la loi organique relative Ă  la Cour suprĂȘme.

Il ne saurait ĂȘtre reprochĂ© Ă  Monsieur Ousmane SONKO une faute de l’Administration. La violation de la loi Ă©lectorale et de la loi organique sur la Cour suprĂȘme, par le refus d’appliquer une dĂ©cision de justice, celle du Tribunal d’Instance de Dakar, ne peut ĂȘtre supportĂ©e par un citoyen-Ă©lecteur dont les droits Ă©lectoraux sont intacts. Ce fait du prince acterait le primat de l’Administration sur la justice et mettrait dĂ©finitivement fin Ă  l’idĂ©al de la sĂ©paration des pouvoirs et Ă  l’ordre rĂ©publicain au SĂ©nĂ©gal. Le Conseil constitutionnel a pour mission d’empĂȘcher que l’Administration dĂ©cide impunĂ©ment de ne pas exĂ©cuter des dĂ©cisions de justice dĂ©favorables au pouvoir politique. Cet arbitraire, s’il devait prospĂ©rer, anĂ©antirait notre Etat rĂ©publicain.

Le Conseil constitutionnel doit nĂ©cessairement se prononcer sur l’imputabilitĂ© du manquement lorsque les dossiers de candidature lui seront adressĂ©s. Il ne peut pas se contenter d’un contrĂŽle notarial minimal des piĂšces du dossier de candidature sans questionner l’imputabilitĂ© du manquement et en tirer les consĂ©quences juridiques appropriĂ©es. Sa jurisprudence antĂ©rieure l’y oblige. Il est utile de rappeler, que dans une dĂ©cision du 15 avril 1998, le Conseil constitutionnel du SĂ©nĂ©gal avait dĂ©clarĂ© recevable une liste de candidats aux Ă©lections lĂ©gislatives au motif que l’absence dans son dossier du rĂ©cĂ©pissĂ© du trĂ©sorier gĂ©nĂ©ral attestant du dĂ©pĂŽt du cautionnement Ă©lectoral Ă©tait imputable Ă  l’Administration faute de permanence au trĂ©sor public et d’acceptation par le ministĂšre de l’IntĂ©rieur de la somme exigible prĂ©sentĂ©e avant la limite de dĂ©pĂŽt des candidatures.

En l’espĂšce le requĂ©rant excipait « une dĂ©faillance de l’administration pour laquelle son parti ne doit pas ĂȘtre pĂ©nalisĂ© ». Il argue « avoir fait preuve de diligence en prĂ©sentant avant l’heure limite de dĂ©pĂŽt la somme de trois millions de francs au MinistĂšre de l’IntĂ©rieur mais que le dĂ©pĂŽt lui en a Ă©tĂ© refusĂ© ». Le juge constitutionnel, aprĂšs avoir insistĂ© sur la corroboration par Ă©crit des prĂ©tentions du requĂ©rant, dĂ©cide qu’« il y a lieu de constater que la preuve est Ă©tablie que le cautionnement Ă©tait disponible et a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© au MinistĂšre de l’IntĂ©rieur avant l’heure lĂ©gale de clĂŽture » (Conseil Constitutionnel, DĂ©cision n°/E/3/98 du 15 avril 1998, affaire Insa SANGARE).

Il n’eut d’autre choix que d’accepter la recevabilitĂ© de la liste de candidatures. A l’aune de cette jurisprudence sans Ă©quivoque, le refus de la DGE de dĂ©livrer ses fiches de parrainage au mandataire de Monsieur Ousmane SONKO et celui de la Caisse des dĂ©pĂŽts et consignations de fournir une attestation de dĂ©pĂŽt, dĂšs lors qu’ils sont corroborĂ©s par des Ă©crits, les exploits d’huissier, sont imputables non pas au candidat Ousmane SONKO mais Ă  l’Administration qui engage, seule, sa responsabilitĂ©.

L’accomplissement de toutes les diligences par le mandataire dĂ©signĂ© par Monsieur Ousmane SONKO n’est plus Ă  dĂ©montrer. Dans une dĂ©cision trĂšs rĂ©cente, en date du 14 dĂ©cembre 2023, le Conseil constitutionnel a rappelĂ©, dans un raisonnement clair, qu’un procĂšs-verbal d’huissier remplace en bonne et due forme un document administratif manquant lorsque le requĂ©rant a accompli les diligences utiles : « considĂ©rant que, pour justifier cette carence, les requĂ©rants ont joint Ă  leur requĂȘte un procĂšs-verbal de constat interpellatif d’huissier du 6 dĂ©cembre 2023, dressĂ© Ă  la requĂȘte du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi (
), reprĂ©sentĂ© par son prĂ©sident Birame Souleye Diop, qui dĂ©clare qu’il a mandatĂ© Madame Daba Wagnane, dĂ©putĂ©, laquelle « s’est prĂ©sentĂ©e au SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’institution parlementaire pour obtenir une copie de la loi votĂ©e, en vain » ; que le huissier instrumentaire ayant interrogĂ© Madame Daba Wagnane, cette derniĂšre dĂ©clare ceci « SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral m’a rĂ©pondu : la loi n’est pas encore promulguĂ©e » ; ConsidĂ©rant qu’il ressort de cet acte que le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi, reprĂ©sentĂ© par son prĂ©sident Birame Souleye Diop, n’a pas interpellĂ© les personnes habilitĂ©es Ă  dĂ©livrer les textes de loi et notamment le SG de l’institution parlementaire, mais plutĂŽt Madame Daba Wagnane ; que les seules dĂ©clarations de cette derniĂšre, consignĂ©es dans le procĂšs-verbal d’huissier, ne peuvent Ă©tablir que les requĂ©rants ont accompli les diligences utiles ».

En l’espĂšce, il a Ă©tĂ© reprochĂ© au groupe parlementaire Yewwi Askan Wi de n’avoir pas interpellĂ© l’autoritĂ© administrative compĂ©tente, le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral parlementaire notamment. Par ricochet, le Conseil constitutionnel estime que si l’autoritĂ© habilitĂ©e avait Ă©tĂ© saisie, le procĂšs-verbal d’huissier rendrait nĂ©cessairement la requĂȘte recevable. Dire le droit, c’est pour le Conseil constitutionnel ne pas se dĂ©dire abruptement sur l’imputabilitĂ© du manquement. Selon la jurisprudence rĂ©currente du Conseil constitutionnel, les refus peuvent ĂȘtre valablement suppléés par des exploits d’huissier pouvant techniquement intĂ©grĂ©s le dossier de candidature dont l’incomplĂ©tude relĂšve d’une violation de la loi par l’agissement ultra-vires de la DGE, de la DAF et de la Caisse des dĂ©pĂŽts et consignations.

La garantie juridictionnelle des droits fondamentaux exercĂ©e ultimement par le Conseil constitutionnel exige la recherche minimale de la causalitĂ© du manquement. Le Conseil constitutionnel du SĂ©nĂ©gal serait inspirĂ©, outre sa propre jurisprudence, de convoquer le droit jurisprudentiel comparĂ©. La Cour constitutionnelle du BĂ©nin a retenu, en 1998, la candidature d’un opposant rejetĂ©e par la Commission nationale Ă©lectorale pour dossier incomplet en soutenant que « pour des raisons indĂ©pendantes de sa volontĂ©, le requĂ©rant s’est trouvĂ© dans l’impossibilitĂ© de satisfaire aux exigences lĂ©gales lui imposant d’avoir son dossier de candidature complet Ă  la date du 22 octobre 1998 ».

Le droit Ă©lectoral, adjuvant des droits fondamentaux des citoyens, doit toujours ĂȘtre interprĂ©tĂ© en faveur de l’individu surtout lorsqu’il n’a pas perdu ses droits civils et politiques ou que ceux-ci les lui soient restituĂ©s par une dĂ©cision judiciaire. Monsieur Ousmane SONKO rĂ©intĂ©grĂ© dans les listes Ă©lectorales par dĂ©cision de justice ne peut aucunement souffrir d’une violation de la loi par l’Administration. Outre cet argumentaire technique, il n’est pas superfĂ©tatoire que le Conseil constitutionnel prenne en compte les circonstances trĂšs politiques qui caractĂ©risent l’affaire Ousmane SONKO. Cette affaire a donnĂ© lieu Ă  des situations inĂ©dites dans les annales judiciaires au SĂ©nĂ©gal.

Pour la premiĂšre fois, le reprĂ©sentant de l’Etat, l’Agent judiciaire, introduisit un pourvoi en cassation sur une simple question de radiation sans que l’intĂ©rĂȘt de la sociĂ©tĂ© soit dĂ©montrĂ© ou mĂȘme postulĂ© (pourvoi introduit aprĂšs l’ordonnance de rĂ©intĂ©gration de Monsieur Ousmane SONKO sur les listes Ă©lectorales rendue le 12 octobre 2023). En sus, pour la premiĂšre fois, la DGE refuse obstinĂ©ment d’appliquer une dĂ©cision de justice mettant Ă  mal les acquis rĂ©publicains obtenus au prix d’une intĂ©riorisation trĂšs longue des linĂ©aments de l’Etat de justice. Il ne s’agit donc pas seulement du cas isolĂ© d’un candidat mais de l’Etat de droit qui est mis Ă  l’épreuve par l’Administration et dont la prĂ©servation historique Ă©choit au juge constitutionnel.

Au surplus, le contentieux portant sur la diffamation devant la Cour suprĂȘme opposant Monsieur Ousmane SONKO au Ministre Mame Mbaye NIANG, le 4 janvier 2024, interpelle directement la compĂ©tence exclusive du Conseil constitutionnel en matiĂšre d’exception d’inconstitutionnalitĂ©. Le soulĂšvement de l’inconstitutionnalitĂ© de l’article 260 de la loi n° 65- 60 du 21 juillet 1965 du Code pĂ©nal devant la Cour suprĂȘme entraĂźne une consĂ©quence juridique immĂ©diate. La juridiction suprĂȘme doit surseoir Ă  statuer et renvoyer obligatoirement le contrĂŽle de la loi contestĂ©e au Conseil constitutionnel. La disposition dont la constitutionnalitĂ© est querellĂ©e, Ă  charge pour le Conseil constitutionnel d’opĂ©rer son contrĂŽle de constitutionnalitĂ©, pose un problĂšme de conformitĂ© Ă  l’article 8 de la Constitution du SĂ©nĂ©gal du 22 janvier 2001, l’article 19 de la DĂ©claration universelle des droits de l’homme, l’article 19-2 du Pacte international relatif aux Droits civils et politiques, l’article 9-2 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le paragraphe 1 de la RĂ©solution 169 sur l’Abrogation des lois pĂ©nalisant la diffamation en Afrique par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples du 24 novembre 2010.

Dans tous les Etats acquis Ă  l’exigence dĂ©mocratique, les dispositions sur la diffamation des autoritĂ©s gouvernementales sont sorties de l’ordonnancement juridique en raison de la nature mĂȘme de leurs fonctions. En droit positif sĂ©nĂ©galais, la Cour suprĂȘme n’a pas le pouvoir d’apprĂ©cier du caractĂšre sĂ©rieux ou opportun du renvoi. Elle est dans l’obligation de surseoir Ă  statuer et, par consĂ©quent, de ne pas tenir l’audience enrĂŽlĂ©e le 4 janvier 2024. En effet, la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique n° 2008-35 du 08 aoĂ»t 2008 sur la Cour suprĂȘme en son article 91 dispose que : « Lorsque la solution d’un litige portĂ© devant la Cour suprĂȘme est subordonnĂ©e Ă  l’apprĂ©ciation de la conformitĂ© d’une loi ou des stipulations d’un accord international Ă  la Constitution, la Cour saisit obligatoirement le Conseil constitutionnel de l’exception d’inconstitutionnalitĂ© ainsi soulevĂ©e et sursoit Ă  statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcĂ©. Si le Conseil estime que la disposition dont il a Ă©tĂ© saisi n’est pas conforme Ă  la Constitution, il ne peut plus en ĂȘtre fait application ». La loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel, en son article 22, prĂ©cise que « Le Conseil se prononce dans le dĂ©lai d’un mois Ă  compter de la date de sa saisine ».Il n’est pas inutile de rappeler que la Cour suprĂȘme n’a jamais variĂ© dans sa position principielle de renvoi lorsqu’une exception d’inconstitutionnalitĂ© est soulevĂ©e devant elle. Elle renvoie systĂ©matiquement au Conseil constitutionnel la loi devant ĂȘtre appliquĂ©e au justiciable (Cour suprĂȘme, 26 juillet 2012, Ndiaga SoumarĂ© c/ État du SĂ©nĂ©gal ; Cour suprĂȘme, 06 fĂ©vrier 2014, Ai Aa Ab, c/ Procureur spĂ©cial prĂšs la CREI et Procureur gĂ©nĂ©ral prĂšs la Cour d’Appel de Dakar ; Cour suprĂȘme, 10 mars 2022, Souleymane TĂ©liko c/ État du SĂ©nĂ©gal). Dans une dĂ©cision du 28 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a adoptĂ© d’ailleurs une position pĂ©remptoire qui ne laisse place Ă  aucune manƓuvre prĂ©torienne. Il dĂ©clare « la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Dakar, saisie d’une exception d’inconstitutionnalitĂ© dirigĂ©e contre l’article 344 du Code des Douanes, a l’obligation de transmettre au Conseil constitutionnel l’exception ainsi soulevĂ©e et de surseoir Ă  statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcĂ©, conformĂ©ment Ă  l’article 22 de la loi organique relative au Conseil constitutionnel ». Par rapport Ă  tout ce qui prĂ©cĂšde, Monsieur Ousmane SONKO, jouissant de tous ses droits civils et politiques, dispose d’un dossier de candidature recevable et le droit exige sa participation Ă  l’élection prĂ©sidentielle du 25 fĂ©vrier 2024.


2. Le caractĂšre irrĂ©futable de l’éligibilitĂ© de Monsieur Bassirou Diomaye FAYE

La qualitĂ© d’électeur est posĂ©e par les articles 26 Ă  31 du Code Ă©lectoral. Un individu est frappĂ© d’une incapacitĂ© Ă©lectorale que dans des conditions limitativement prĂ©vues par la loi, neutralisant ainsi la marge d’interprĂ©tation qu’aurait le juge constitutionnel qui se retrouve dans une situation Ă©troite de compĂ©tence judiciaire liĂ©e. Il faudrait impĂ©rativement que l’individu perde momentanĂ©ment ou dĂ©finitivement la jouissance de ses droits civils ou politiques pour ne pas ĂȘtre Ă©ligible. Cette incapacitĂ© ne peut rĂ©sulter que d’une dĂ©cision ayant atteint l’autoritĂ© de la chose jugĂ©e. Il peut s’agir d’une incapacitĂ© intellectuelle ou d’une incapacitĂ© morale. Ce 7 faisant, pour qu’un SĂ©nĂ©galais majeur soit privĂ© de la qualitĂ© d’électeur, il faut obligatoirement une dĂ©cision judiciaire dĂ©finitive. Toute autre situation n’est pas privative de la qualitĂ© d’électeur. Le juge constitutionnel sĂ©nĂ©galais, conformĂ©ment Ă  ses attributions textuelles, n’a aucun pouvoir discrĂ©tionnaire en matiĂšre de privation des droits susmentionnĂ©s d’un citoyen-Ă©lecteur.

D’ailleurs, la privation, par le juge ordinaire, de la qualitĂ© d’électeur d’un condamnĂ© doit rĂ©sulter d’une peine supplĂ©mentaire qui doit ĂȘtre prononcĂ©e Ă  la demande du procureur en ce qu’un prĂ©judice est causĂ© Ă  la sociĂ©tĂ©. C’est gĂ©nĂ©ralement une peine complĂ©mentaire, c’est-Ă -dire qu’elle vient s’ajouter Ă  une peine de prison ou d’amende prononcĂ©e Ă  titre principal. En droit, il est de coutume que l’accessoire suive le principal, et non l’inverse ! Lorsqu’il s’agit de dĂ©choir un citoyen de son droit fondamental d’ĂȘtre Ă©lu, l’objectif poursuivi doit ĂȘtre lĂ©gitime et proportionnĂ© Ă  la peine. On est trĂšs loin en l’espĂšce de la situation juridique du candidat Bassirou Diomaye FAYE qui n’a fait l’objet d’aucune forme de condamnation, mĂȘme en premiĂšre instance, alors mĂȘme que la loi exige une condamnation dĂ©finitive.

En dehors de toute hypothĂšse de condamnation, inexistante en rĂ©alitĂ©, Monsieur Bassirou Diomaye FAYE n’a mĂȘme jamais fait l’objet d’un procĂšs. Discuter politiquement de l’éligibilitĂ© d’un candidat jamais attrait devant un juge renseigne Ă  suffisance sur le mal-dĂ©mocratique dont souffre le SĂ©nĂ©gal ! La volontĂ© politique ne prĂ©empte pas la dĂ©cision du juge constitutionnel. Dire le droit est une opĂ©ration technique qui est dĂ©tachĂ©e des contingences d’appareils. Et en l’absence de tout procĂšs, il ne peut naturellement y avoir une condamnation et une privation de droits. Monsieur Bassirou Diomaye FAYE garde la totalitĂ© de ses droits civils et politiques. Le Conseil constitutionnel ne peut pas juridiquement invalider la candidature d’un citoyen qui n’est frappĂ© d’aucune condamnation emportant dĂ©chĂ©ance de ses dits droits.

Le juge constitutionnel n’est que la simple bouche de la loi Ă©lectorale et non l’organe judiciaire de rĂ©alisation d’une commande politique d’élimination arbitraire des opposants. Toute autre attitude contra-legem du juge constitutionnel participerait Ă  un arbitraire judiciaire aux relents politiques. Selon la jurisprudence du mĂȘme Conseil constitutionnel, le principe de la nĂ©cessitĂ© des peines, posĂ© par l’article 8 de la DĂ©claration des droits de l’homme et du citoyen, partie intĂ©grante de la Constitution sĂ©nĂ©galaise, implique que toute peine, fĂ»t-elle complĂ©mentaire, doit ĂȘtre expressĂ©ment prononcĂ©e par le juge pour qu’il vĂ©rifie qu’elle correspond bien, dans ce cas particulier, Ă  l’exigence de nĂ©cessitĂ©. C’est bien lorsque la dĂ©chĂ©ance des droits susvisĂ©s est prononcĂ©e par le juge que l’administration est autorisĂ©e Ă  procĂ©der Ă  la radiation de l’électeur concernĂ©.

Une radiation factuelle selon la bonne volontĂ© interprĂ©tative du juge 8 constitutionnel n’existe pas dans un Etat de droit ! Le juge constitutionnel ne fait pas la loi Ă©lectorale, il l’applique dans son entiĂšretĂ© et dans le respect de ses attributions normatives expressĂ©ment codifiĂ©es. La candidature Ă  l’élection prĂ©sidentielle, pour ĂȘtre recevable, doit, aux termes de l’article L 57 al.2, « ĂȘtre portĂ©e soit par un parti politique lĂ©galement constituĂ©, soit par une coalition de partis politiques, soit par une entitĂ© regroupant des personnalitĂ©s indĂ©pendantes ». La loi Ă©lectorale prĂ©voit ces trois possibilitĂ©s Ă  l’électeur sĂ©nĂ©galais qui remplit les autres conditions (Ăąge, parrainage, obligations fiscales) pour faire acte de candidature. Il en rĂ©sulte que, mĂȘme en situation de dĂ©tention provisoire, la candidature de Monsieur Bassirou Diomaye FAYE ne souffre d’aucun obstacle juridique si celle-ci est portĂ©e par un parti politique lĂ©galement constituĂ© distinct de PASTEF ou une coalition de partis politiques. En revanche, il ne peut pas ĂȘtre candidat indĂ©pendant. Il ne pourrait l’ĂȘtre qu’un an aprĂšs la dissolution du parti.

Juridiquement, la dissolution du parti PASTEF n’a aucun effet sur les droits individuels autonomes des membres dudit parti. Si tel Ă©tait le cas, tous les membres encartĂ©s du parti dissous, y compris naturellement les parlementaires et Ă©lus locaux dudit parti, devraient en consĂ©quence perdre automatiquement leur mandat et n’auraient mĂȘme pas eu le droit de voter aux diffĂ©rentes Ă©lections car ils seraient frappĂ©s de dĂ©chĂ©ance de leurs droits. Suivant ce raisonnement tendancieux, les dĂ©putĂ©s du parti frappĂ© de dissolution devraient ĂȘtre tous dĂ©chus de leurs droits. L’absurditĂ© du raisonnement suffit Ă  son invalidation ! Faudrait-il rappeler, qu’en droit, les partis politiques sont considĂ©rĂ©s comme des associations ordinaires, au mĂȘme titre que tout groupement.

C’est un truisme d’affirmer qu’un parti politique est dotĂ© d’une personnalitĂ© juridique diffĂ©rente de celle de ses membres. Affirmer qu’un parti politique est une entitĂ© autonome dont la dissolution n’emporte Ă©videmment pas les droits individuels de ses membres est un lieu commun juridique qu’il appartiendra au Conseil constitutionnel de rĂ©affirmer. L’article L. 57 al. 2 du Code Ă©lectoral permet trĂšs clairement Ă  Monsieur Bassirou Diomaye FAYE d’ĂȘtre candidat au titre d’un parti politique lĂ©galement constituĂ© ou d’une coalition de partis. En d’autres termes, la dissolution d’un parti n’a aucune incidence, mĂȘme indirecte, sur la dĂ©chĂ©ance des droits civils et politiques d’un membre qui est libre d’adhĂ©rer Ă  un autre parti politique ou mĂȘme d’en crĂ©er. Il est sans ambiguĂŻtĂ© dans la mĂȘme situation juridique qu’un membre dĂ©missionnaire d’un parti politique.

En rĂ©alitĂ©, l’article L. 57 al. 2 ne donne lieu Ă  aucune interprĂ©tation spĂ©cieuse en ce qu’il prĂ©voit explicitement que la candidature est portĂ©e par un parti lĂ©galement constituĂ©, une 9 coalition de partis politiques ou selon qu’il s’agisse d’une candidature indĂ©pendante. En 2019, MaĂźtre MadickĂ© NIANG Ă©tait candidat Ă  l’élection prĂ©sidentielle alors qu’il venait de dĂ©missionner du PDS quelques mois auparavant. En l’espĂšce, le Conseil constitutionnel dĂ©cida : « ConsidĂ©rant que le 11 dĂ©cembre 2018, Ă  quinze heures trente-huit minutes, Ibra DIOUF, mandataire de la coalition « MADICKÉ 2019 », a dĂ©posĂ© au greffe du Conseil constitutionnel une dĂ©claration aux termes de laquelle MadickĂ© NIANG, avocat, nĂ© le 26 septembre 1953 Ă  Saint-Louis de Mademba et Khady THIOUNE, est candidat Ă  l’élection prĂ©sidentielle du 24 fĂ©vrier 2019, a reçu l’investiture de la coalition « MADICKÉ 2019 », est de nationalitĂ© sĂ©nĂ©galaise, jouit de ses droits civiques et politiques, est titulaire de la carte d’électeur n°100432104 (
) ; ConsidĂ©rant que la dĂ©claration de candidature de MadickĂ© NIANG est accompagnĂ©e des piĂšces Ă©numĂ©rĂ©es Ă  l’article L.116 du Code Ă©lectoral, dont une liste de 65 078 Ă©lecteurs l’ayant parrainĂ©, prĂ©sentĂ©e sur fichier Ă©lectronique et en support papier ; ConsidĂ©rant qu’il rĂ©sulte des vĂ©rifications auxquelles il a Ă©tĂ© procĂ©dĂ© (
) ; ConsidĂ©rant que la candidature de MadickĂ© NIANG est recevable ».

L’orthodoxie judiciaire serait que le Conseil constitutionnel respecte scrupuleusement sa jurisprudence antĂ©rieure fondĂ©e sur la stricte application de la loi Ă©lectorale sans tomber dans une jurisprudence politique. L’actuelle ministre de la justice, MaĂźtre Aissata TALL SALL, Ă©tait elle-mĂȘme candidate Ă  l’élection prĂ©sidentielle de 2019 avec la coalition « Oser l’avenir » aprĂšs son exclusion du PS. Sa candidature Ă©tait rejetĂ©e simplement pour insuffisance de parrainages. Le juge constitutionnel, dans sa dĂ©cision du 13 janvier 2019, considĂšre « qu’il rĂ©sulte des vĂ©rifications auxquelles il a Ă©tĂ© procĂ©dĂ© (
), qu’elle a obtenu le parrainage validĂ© de 10 129 Ă©lecteurs domiciliĂ©s, Ă  raison de 2000 parrains par rĂ©gion au moins, dans deux rĂ©gions ; qu’AĂŻssata TALL SALL n’ayant obtenu ni le nombre minimal de parrainages d’électeurs inscrits au fichier Ă©lectoral gĂ©nĂ©ral, ni le nombre minimal de parrains par rĂ©gion dans sept rĂ©gions, il y a lieu de dĂ©clarer sa candidature irrecevable ».

Dans toutes ces affaires jugĂ©es par le Conseil constitutionnel, il ne s’est agi, Ă  juste titre, d’évoquer le statut d’ancien membre d’un parti politique du candidat dĂ©clarĂ©. DĂšs lors qu’un candidat est investi par un parti politique ou par une coalition de partis politiques, le juge se conforme aux prescriptions du Code Ă©lectoral. Il n’a, dans ce cas prĂ©cis, aucune marge de manƓuvre judiciaire. Dans sa dĂ©cision n° 33/98/Affaires n° 1/E/98 et 2/E/98, s’opposant aux conclusions du ministĂšre de l’intĂ©rieur dĂ©clarant irrecevables les candidatures aux Ă©lections lĂ©gislatives de 1998 des coalitions USD JEF JEL et Front pour la DĂ©mocratie et le Socialisme, le Conseil constitutionnel a estimĂ© que « les rĂšgles relatives aux inĂ©ligibilitĂ©s comme celles qui Ă©tablissent les limitations Ă  la candidature doivent toujours faire l’objet d’une interprĂ©tation restrictive, et ne doivent ĂȘtre 10 Ă©tendues Ă  des cas non expressĂ©ment prĂ©vus »(ConsidĂ©rant 7 de la dĂ©cision n° 33/98 du 8 avril 1998). Lors des Ă©lections locales de 2022, Monsieur Mame Boye DIAO, membre de l’APR, Ă©tait candidat sous la banniĂšre d’un autre parti.

Sa candidature avait mĂȘme Ă©tĂ© soutenue par le PrĂ©sident de la RĂ©publique. Il en est ainsi de plusieurs membres de l’APR qui avaient prĂ©sentĂ© des listes parallĂšles, notamment Mame Mbaye Niang. A ce titre, il n’est pas superfĂ©tatoire de rappeler que l’article L. 57 ne fait aucune distinction selon qu’il s’agisse d’élections lĂ©gislatives, territoriales ou qu’il s’agisse d’une Ă©lection prĂ©sidentielle. Il englobe toutes les Ă©lections politiques La candidature de Monsieur Bassirou Diomaye FAYE ne peut non plus ĂȘtre rejetĂ©e sur le fondement de l’article L. 125 du Code Ă©lectoral. Les pouvoirs d’investigation que l’article L. 125 reconnait au Conseil constitutionnel pour s’assurer de la validitĂ© des candidatures lui permettent simplement de demander des complĂ©ments d’informations. Le pouvoir de vĂ©rification ne signifie nullement un pouvoir de crĂ©ation normative ex-nihilo.

Le Conseil constitutionnel ne peut pas se substituer au juge pĂ©nal. La privation des droits civils et politiques est de la compĂ©tence du juge judiciaire qui ne s’est pas encore prononcĂ© sur les chefs d’accusation Ă  l’encontre de Monsieur Bassirou Diomaye FAYE. En l’absence de dĂ©cision judiciaire dĂ©finitive, rien en droit ne peut empĂȘcher sa candidature. S’il Ă©tait condamnĂ©, le juge constitutionnel aurait pu, au titre de son pouvoir de vĂ©rification, demander son casier judiciaire mĂȘme si son nom figure encore sur les listes comme ce fut le cas dans l’affaire Khalifa SALL. Le Conseil constitutionnel avait demandĂ© la communication de la dĂ©cision de condamnation de Monsieur Khalifa SALL malgrĂ© l’existence d’un casier judiciaire dans le dossier de candidature qui lui a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©. Toujours dans sa dĂ©cision du 13 janvier 2019, le Conseil constitutionnel estima : « ConsidĂ©rant qu’il rĂ©sulte de l’article L.57, alinĂ©a 1er du Code Ă©lectoral que, pour faire acte de candidature, il faut ĂȘtre Ă©lecteur ; ConsidĂ©rant que la qualitĂ© d’électeur s’apprĂ©cie au regard de l’article L.27 du Code Ă©lectoral (
) ; que lorsqu’un citoyen est condamnĂ© Ă  une peine impliquant sa radiation des listes, il est frappĂ© d’une incapacitĂ© Ă©lectorale qui a pour effet de le priver de son droit de vote (
) ; ConsidĂ©rant que Khalifa Ababacar SALL ne peut plus se prĂ©valoir de la qualitĂ© d’électeur au sens des articles L.27 et L.31 du Code Ă©lectoral ; que, par suite, ne remplissant pas la condition prĂ©vue par l’alinĂ©a 1er de l’article L.57 du Code Ă©lectoral, il ne peut faire acte de candidature Ă  l’élection prĂ©sidentielle ».

A rebours de ce cas d’espĂšce, Monsieur Bassirou Diomaye FAYE n’a fait l’objet d’aucune condamnation et n’a jamais cessĂ© d’ĂȘtre Ă©lecteur. 11 Sous ce prisme, il appartiendra au Conseil constitutionnel du SĂ©nĂ©gal de tirer toutes les conclusions juridiques qui s’imposent Ă  la situation du candidat Bassirou Diomaye FAYE. Non seulement le candidat Bassirou Diomaye FAYE ne se prĂ©sente pas sous la banniĂšre de PASTEF mais, mieux, il n’est frappĂ© d’aucune peine d’inĂ©ligibilitĂ© et n’a fait l’objet d’aucune condamnation mĂȘme en premiĂšre instance. Le candidat Bassirou Diomaye FAYE ne saurait pĂątir d’une conception abusive du pouvoir de vĂ©rification fondamentalement restreint Ă  la recherche de toute information visant la complĂ©tude des piĂšces du dossier de candidature qui lui sera soumis.

Dans toutes les communautĂ©s vĂ©ritablement dĂ©mocratiques, les juridictions constitutionnelles partagent des ressources dogmatiques communes : s’ériger en ultime rempart contre l’arbitraire, prĂ©server le modĂšle social et, en dĂ©finitive, la cohĂ©sion nationale. En appliquant simplement le droit, le juge constitutionnel au SĂ©nĂ©gal se convertirait, en mĂȘme temps, Ă  l’utilitarisme et au consĂ©quentialisme pour restaurer l’Etat de droit. Dire la puretĂ© du droit Ă©lectoral l’y incite et repenser un Etat de justice indĂ©pendant le contraint Ă  lire sa sociĂ©tĂ©. Juger, c’est assurer la rencontre entre la normativitĂ© sociale et la normativitĂ© juridique pour recrĂ©er les fondations d’une nation.

Par consĂ©quent, les sept sages sont invitĂ©s, cultivant leur « devoir d’ingratitude » Ă  l’égard de l’autoritĂ© politique de nomination, Ă  raffermir le serment d’allĂ©geance nationale remis en cause par un environnement politique et social anxiogĂšne. Pour l’histoire, le Conseil constitutionnel juge certes par le Droit mais surtout pour le peuple et la nation. Pour le peuple et la nation, le Conseil constitutionnel doit rĂ©habiliter le Droit.

Par Doudou Sow le Samedi 30 Décembre 2023 dans Blogue. Aucun commentaire