Source photo : Groupe Facebook Le Québec c’est nous aussi
Les personnes immigrantes arrivées au Québec avant l’abolition du programme de l’expérience québécoise (PEQ) ne pourront pas bénéficier d’une clause de droits acquis réclamée depuis plus d’un mois. Telle est la décision actuelle du gouvernement caquiste qui oriente par ailleurs les orphelins du PEQ vers le nouveau programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ). Le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration Jean-François Roberge défend mordicus que son programme est le « meilleur outil » pour mieux contrôler l’immigration économique au Québec[1]. »
Comme le souligne le titre de la journaliste Lisa-Marie Gervais du journal Le Devoir du vendredi 5 décembre dernier « Les invitations au PSTQ ne font pas que des heureux ». En dépit de la première vague d’invitations, les impactés du PEQ se montrent encore plus déterminés à réclamer minimalement une clause de droits acquis. « Plusieurs qui s’attendaient à être sélectionnés nagent dans la déception, a constaté Le Devoir », écrivait ainsi la journaliste reflétant ainsi le sentiment de frustration de milliers d’immigrants.
« Vendredi matin, les commentaires — surtout des questions — fusaient de toutes parts sur les groupes de discussion consacrés à ce sujet sur les réseaux sociaux. « Qui a été invité ? » « Avec quel pointage ? » « Les gens qui ont été invités, vous avez déposé quand ? », relatait ainsi la journaliste.
« Déçu de ne pas avoir reçu d’invitation, Mohamed Slama ne voit pour sa part « aucune logique » dans cette sélection. Arrivé en juillet 2023, ce tôlier professionnel de Victoriaville dit ne pas avoir été choisi avec un pointage de 622, contrairement à son ami soudeur arrivé en même temps que lui qui avait un score moindre de 570. « Le programme n’est pas équitable envers les candidats », déplore-t-il, en ayant l’impression que les invitations se font de façon aléatoire. « Il n’y a rien de crédible, tout est croche. Je perds confiance. »
La mise en contexte de la première ronde d’invitation après la suppression du PEQ permet de décrire la gravité de la situation psychosociale des orphelins du PEQ. Le PSTQ demeure maintenant cette « voie unique » pour la résidence permanente. Le PSTQ n’offre aucune garantie de sélection, déplorent plusieurs laissés-pour-compte du PEQ.
La première ronde d’invitation de travailleurs qualifiés depuis la fin du PEQ a abouti à un processus menant à 1870 invitations sur plus de 75 000 postulants pour la résidence permanente. Les manifestants plaident sans cesse pour plus de justice envers les immigrants qui ont choisi le Québec sur la base de l’obtention du PEQ.
Selon « le collectif Le Québec c’est nous aussi [qui] coalise les forces dans ce dossier-là depuis le début », les orphelins du PEQ « n’exigent pas un privilège mais seulement le respect de la parole donnée ». Cette organisation gérée par des bénévoles « pense particulièrement à celles et ceux qui avaient leurs dossiers complets depuis le 1er novembre 2024 (Étudiants diplômés) et depuis le 5 juin 2025 (travailleurs qualifiés). »
Le collectif Le Québec c’est nous aussi a dénoncé « les invitations secrètes (du PSTQ), envoyées on ne sait quand, et surtout sans aucune information publiée sur le site officiel » bien avant l’entrevue officielle du ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration accordée à la journaliste Fanny Lévesque du journal La Presse du vendredi 5 décembre dernier[2].
« Et pendant qu’on y est : on découvre aussi que le fameux système de points ne garantit absolument rien. Des personnes avec 611 points ont été invitées, d’autres avec davantage non.
En fin de compte, c’est exactement ce qu’on anticipait : le PSTQ, c’est le retour en force de l’arbitraire, de l’imprévisible et du discrétionnaire. Une machine à décisions improvisées, au petit bonheur la chance. Quelles que soient les nouvelles règles, les personnes déjà ici devraient être traitées selon les règles qui existaient lorsqu’elles sont arrivées. »
Des immigrants ont tout vendu pour venir au Québec. Fin du PEQ : « Tout est flou, on joue notre vie à la roulette russe, on attend », tel est le témoignage de Florence Bollet-Michel au micro de Patrick Lagacé du 98,5 FM. « Pour de nombreuses familles, le gouvernement du Québec leur a fait de fausses promesses alors qu’elles croyaient qu’un séjour permanent leur était garanti dans la province.
Florence Bollet-Michel, une travailleuse sociale d’origine française, souligne avoir fait l’objet d’une opération séduction de la part de Québec. Près de trois ans après être arrivée, c’est maintenant l’incertitude qui plane pour elle et sa famille.
« On m’a dit de ne pas m’inquiéter, que j’allais avoir du travail pour plus d’une vie et que j’allais pouvoir rester autant que je le voulais au Québec. […] Maintenant, tout est flou. […] On joue notre vie à la roulette russe. On attend, on prie, mais on a aucune perspective », laisse entendre Mme Bollet-Michel qui invitait par ailleurs les immigrants à la manifestation du collectif Le Québec c’est nous aussi.
Un gouvernement, quel qu’il soit, a le droit de réviser ses priorités ou sa politique d’immigration mais il n’a pas le devoir de changer les règles en plein match. « C’est une véritable injustice que d’abolir ce programme et, comme je le soulignais, dans le milieu d’un match et de changer les règles avant la fin de la partie. Ça ne se fait pas », dénonçait vigoureusement le député libéral de l’Acadie et porte-parole de l’opposition officielle Immigration, francisation et intégration, André Albert Morin lors d’un point de presse où il recevait, entre autres, à l’Assemblée nationale le 27 novembre dernier : Christopher Zéphyr, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec; Flora Dommanget, présidente de l’Union étudiante du Québec; Alain Diédhiou, étudiant international en technique de l’informatique.
C’est la raison pour laquelle les immigrants réclament minimalement la clause grand-père car c’est aussi une question de dignité humaine. « Loin d’être une clause de favoritisme, ce serait tout simplement une clause humanité », concluait la journaliste Rima Elkouri dans sa chronique « Abolition du Programme de l’expérience québécoise pour les immigrants | Une clause humanité, SVP ».
L’abolition du PEQ ne touche pas que les immigrants. Elle a de sérieux impacts sur les entreprises et les régions du Québec comme le démontrait un reportage de Charline Bakowski de RNC Nouvelles Rouyn-Noranda-TVA Nouvelles Abitibi-Témiscamingue. « L’incertitude est grande pour des employés et entreprises ».
« Céline Schmidt fait partie des nombreuses personnes qui subissent les récentes restrictions en immigration du gouvernement Legault. En effet, le ministre de l’Immigration a choisi de supprimer, brutalement, le Programme Expérience Québécoise.
Une décision qui impacte directement les employés immigrés, mais également l’ensemble des entreprises qui ont fait le choix de les embaucher, c’est le cas de Stéphane Brown, propriétaire de Rembourrages Experts Amobi.
À Rouyn-Noranda, grand nombre d’entreprises font confiance à cette main-d’œuvre venue d’ailleurs. Comme Technosub, avec 22 employés immigrés, l’entreprise est directement touchée par l’abolition du programme, mentionne la conseillère aux ressources humaines, Audrey Lefebvre.
Céline n’est malheureusement pas un cas isolé. Qu’ils soient employés, PDG ou étudiants, tous souhaitent interpeller le gouvernement, afin qu’il rétablisse le Programme de l’expérience québécoise, d’ici le début de l’année 2026. »
C’est le souhait ardent des orphelins du PEQ qui comptent investir encore, pour un quatrième acte, les rues de Montréal. Le collectif Le Québec c’est nous aussi donne rendez-vous aux impactés et individus épris de justice le vendredi 12 décembre à 11h devant le ministère de l’immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) pour manifester contre la suppression du PEQ et pour la clause grand-père.
Doudou Sow, sociologue du travail et des organisations et auteur de quatre ouvrages sur l’intégration et la régionalisation de l’immigration
[1] Fin du Programme de l’expérience québécoise | Québec lance sa nouvelle et « unique voie », Fanny Lévesque, La Presse, 5 décembre.
[2] Ibid.
Par Doudou Sow le Dimanche 07 Décembre 2025 dans Blogue, PEQ (étudiants étrangers et travailleurs temporaires spécialisés). Aucun commentaire
