Crédit photo : Le Québec c’est nous aussi. Manifestation du 22 novembre à Montréal contre la fin du PEQ et pour une clause grand-père.
Ce texte mis à jour est extrait de mon ouvrage intitulé État des lieux sur la régionalisation de l’immigration.
Certains travailleurs étrangers admis dans un premier temps dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) pouvaient par la suite, sous certaines conditions, déposer une demande dans un autre programme qui connaît un succès depuis sa création, le 14 février 2010 sous l’ère de l’ancien gouvernement Charest. Il s’agit du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) qui était avant la nouvelle réforme de 2020 un programme accéléré de sélection de travailleurs qualifiés (réception, en 20 jours ouvrables seulement son certificat de sélection, contrairement à des délais plus longs pour le traitement d’un dossier d’immigration pour une demande régulière). Ce programme innovateur et populaire qui est destiné aux diplômés du Québec et aux travailleurs étrangers a fini par comporter certaines nouvelles conditions d’admissibilité.
Le Québec est gagnant sur toute la ligne avec le programme des étudiants étrangers
Le recrutement des étudiants étrangers pour la société québécoise comporte de nombreux avantages (réseaux de contacts déjà solidement établis, reconnaissance des diplômes, bonne connaissance de la culture organisationnelle, adéquation compétences et exigences des employeurs, dynamisme des établissements d’enseignement, etc.).
Les immigrants tout comme les étudiants étrangers constituent une manne financière pour les collèges et les universités. Selon une étude de Statistique Canada, les étudiants internationaux génèrent 4, 2 milliards de retombées économiques au Québec en 2022. La journaliste Lisa-Marie Gervais est du même avis : « Il est vrai que les étudiants étrangers rapportent. Ils paient des droits de scolarité supérieurs — de 12 084 à 14 978 $ au total pour les universitaires étrangers et de 8000 à 15 000 $ pour les cégépiens, selon les programmes —, mais surtout, ils consomment.[1] » En d’autres termes, l’immigration économique profite à la société toute entière. 129 000 étudiants internationaux[2] ont choisi le Québec pour y perfectionner leurs études et espérer y rester avec la possibilité d’obtenir une résidence permanente, un incitatif vanté, à juste titre, par les différents gouvernements précédents (PLQ, PQ).
Le Québec est gagnant sur toute la ligne avec le programme des étudiants étrangers qui confirme son rayonnement international. Il peut recruter les étudiants étrangers ayant un solide dossier et soulignant leur intérêt à rester sur son territoire. Il pourra également bénéficier d’une bonne visibilité internationale. En d’autres termes, les étudiants étrangers deviennent des ambassadeurs du Québec à leur retour dans leur pays d’origine (transfert de connaissances et compétences, coopération interuniversitaire, possibilités de faire des affaires, etc.).
Le diplôme québécois est un diplôme souvent demandé par les employeurs dans des domaines techniques. Même si on parle plus d’expérience et de compétences transférables que d’obtention d’un diplôme, il demeure certain que les immigrants formés au Québec s’intègrent plus facilement que ceux formés à l’étranger, en raison notamment d’une meilleure connaissance du marché du travail, mais aussi de l’établissement d’un réseau qu’ils développent et entretiennent continuellement. À titre d’information, plus de 80 % des emplois au Québec sont obtenus par des contacts directs. De plus, les immigrants formés au Québec se sont créé des réseaux de contacts, maîtrisent les us et coutumes ainsi que la culture organisationnelle québécoise et ont eu le temps de cerner le marché du travail.
Même s’il y a une volonté d’arrimer l’immigration aux besoins de main-d’œuvre, la politique de baisse de seuil de l’immigration n’est pas étrangère à une réforme du programme PEQ puis à son abolition. Même s’il faut trouver un équilibre entre les différents programmes et favoriser à juste titre la régionalisation de l’immigration, il aurait fallu ne pas seulement se buter à une idéologie de chiffres ou de seuil d’admission.
La mobilité internationale incite les pays d’immigration pragmatiques à recruter et à retenir les talents mondiaux, peu importe leur origine. La compétition est féroce pour recruter les étudiants internationaux et la résidence permanente est l’attrait de ce programme aussi bien pour les étudiants étrangers que les travailleurs étrangers temporaires (TET).
Le Québec risque donc d’être moins attractif avec ses derniers changements sur le programme de l’expérience québécoise en termes de mobilité étudiante et de travail internationale. Pourquoi réformer, déformer et abolir un programme novateur, populaire qui fonctionnait déjà très bien et qui fait l’envie des autres pays de l’OCDE? Les candidats du PEQ sont les immigrants les mieux intégrés de la société québécoise. Déjà établis au Québec, les étudiants étrangers et les travailleurs étrangers temporaires parlent français, sont formés aux normes québécoises, sont en emploi, ont déjà des réseaux de contacts bien établis, contribuent financièrement à l’économie québécoise et adhérent aux valeurs de la société québécoise.
Malgré certains assouplissements de la version 3 du PEQ (fin de l’exigence de la liste de formations ou d’emplois en demande[3]de la première mouture), la contestation ne semble pas s’essouffler. Dans un communiqué de la fédération des travailleurs du Québec (FTQ) daté du 18 juillet 2020, « Les organisations ont dénoncé particulièrement 1) le prolongement des années d’expérience requises, 2) l’exclusion des emplois peu qualifiés, 3) l’allongement du délai de traitement et 4) l’exclusion basée sur la compétence linguistique de la conjointe ou du conjoint. Elles ont également demandé 5) le rehaussement du seuil d’immigration et 6) d’être consultées sur tout projet pilote[4]. »
Les dernières règles du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) sont entrées en vigueur le 22 juillet 2020. « Pour les étudiants étrangers qui souhaitent présenter une demande, les changements portent sur :
- l’expérience de travail ou de stage requise,
Pour les travailleurs étrangers temporaires, les changements concernent :
- l’expérience de travail requise,
- les niveaux de profession admissibles»[5] précise le MIFI.
En guise de rappel en novembre 2019, « le gouvernement Legault reconnaît avoir mal évalué les impacts de sa réforme et accordera finalement un droit acquis aux étudiants et travailleurs étrangers temporaires déjà au Québec dans le cadre de sa révision du Programme de l’expérience québécoise (PEQ)[6]. »
Le nouveau gouvernement Legault, au pouvoir depuis un an alors, avait reculé sur l’application de sa réforme controversée en instaurant la clause des droits acquis suite à la pression populaire et des médias, du milieu des affaires, des recteurs et chercheurs universitaires, des associations étudiantes (la Fédération étudiante du Québec , l’Union étudiante du Québec, etc.) et des trois partis d’opposition (Parti libéral du Québec, Parti québécois et Québec solidaire) unis sur un même dossier, un fait rarissime.
Malgré les promesses de l’ancien ministre de l’immigration[7] et du premier ministre à l’Assemblée nationale le (7 novembre 2019, veille du retrait de la première version du projet), d’accorder le PEQ à ceux et celles qui avaient décidé de venir étudier au Québec sur la base des anciennes règles prévalant avant le 1er novembre 2019[8], on constate sur le terrain que la clause des droits acquis ne s’applique pas à tout le monde, surtout pour les étudiants et est interprétée différemment mais qu’«une mesure transitoire s’appliquera pour ceux qui auront obtenu un diplôme admissible au PEQ, ou qui l’obtiendront d’ici le 31 décembre 2020[9]».
Dans certaines régions, il y a une présence significative d’étudiants internationaux, symbole de la diversité. En guise de rappel, dans le Plan d’action de la région de Montréal en matière d’immigration, d’intégration et de relations interculturelles (le PARMI), de la CRÉ de Montréal, le gouvernement libéral pouvait également compter sur la présence des étudiants internationaux pour augmenter le nombre d’immigrants en région et augmenter le succès de la régionalisation de l’immigration. En effet, le « protocole de coopération en matière de mobilité étudiante[10] » permet à certaines régions du Québec, parmi lesquelles la Mauricie, le Bas Saint-Laurent et la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, de pouvoir compter sur les étudiants réunionnais. « Présentement, 222 étudiantes et étudiants réunionnais diplômés ont choisi de s’établir en région et 75 % d’entre eux travaillent dans leur domaine de formation[11] », pouvait-on lire dans le communiqué en date du 19 janvier 2011.
Preuve d’une augmentation soutenue des permis délivrés dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) et la catégorie des étudiants étrangers
La présence des étudiantes et des étudiants étrangers et des travailleuses et des travailleurs étrangers temporaires au Québec augmente d’année en année selon le document de consultation sur le programme de l’expérience québécoise (PEQ) publié le 14 février 2020. Comme le tableau du MFI le démontre, « depuis 2016 (année libérale) on observe une augmentation soutenue des permis délivrés dans le PTET », laquelle augmentation s’est accentuée sous le règne caquiste (2018-2019). On peut aussi observer « une importante augmentation des permis délivrés dans la catégorie des étudiants étrangers[12]. »
De manière générale, depuis l’élection d’un nouveau gouvernement caquiste, l’immigration au Québec a subi une série de réformes. Les multiples changements sont répertoriés dans le préambule du rapport annuel 2018-2019 du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) [13].
Comme le détaillait le site Immigrant Québec, « le PEQ a connu des gels en novembre 2024 et juin 2025 : le volet Diplômés a été gelé en octobre 2024 jusqu’en juin 2025, puis prolongé jusqu’en novembre 2025, et le volet Travailleurs étrangers temporaires (TET) a été gelé en juin 2025 jusqu’en novembre 2025, avant que le PEQ dans son ensemble ne soit aboli le 19 novembre 2025, marquant la fin des nouvelles demandes pour les deux volets ».
Le Québec ferme ses portes, pour l’instant, aux immigrants impactés du programme de l’expérience québécoise (PEQ). Les immigrants qui ont tout vendu dans leur pays d’origine ont investi beaucoup d’argent dans l’optique d’obtenir la résidence permanente. Ils ont aussi fait le deuil de leurs familles, de leurs amis mais aussi de leur vie antérieure car l’immigration est un déchirement voire un drame humain.
La « clause grand-père » est le « strict minimum », plaide le député et porte-parole de Québec solidaire en immigration, Guillaume Cliche-Rivard.
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[1] Lisa-Marie Gervais, « Portes ouvertes aux étudiants étrangers », Le Devoir, 3 septembre 2011.
[2] Immigration temporaire – Étudiants étrangers : Québec annonce ses cibles pour la rentrée de l’automne 2025, communiqué MIFI, 26 février 2025.
[3] Le gouvernement cherchait à sélectionner des étudiants et travailleurs temporaires dans des domaines d’emploi et de formation qu’il aura déjà définis en fonction des besoins de main-d’œuvre. 140 420 postes étaient à pourvoir au Québec au deuxième trimestre.
[4] FTQ. Journée d’actions pour un Québec ouvert à l’immigration – Manifestation contre la réforme du PEQ samedi à Montréal : Communiqué, Montréal, 18 juillet 2020.
[5] Pour avoir une idée exacte de l’ensemble des conditions requises pour bénéficier du programme de l’expérience québécoise, se référer au site internet du MIFI https://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/immigrer-installer/etudiants/demeurer-quebec/demande-csq/etudiants-peq/index.html
[6] Martin Croteau, Gabriel Béland, Hugo Pilon- Larose, « Immigration: Legault admet avoir mal évalué l’effet de sa réforme », La Presse, 6 novembre 2019.
[7] Sur les ondes du 98.5 FM le 6 novembre 2019 à l’émission Puisqu’il faut se lever en entrevue avec Monsieur Paul Arcand.
[8] Lire à ce sujet un excellent travail documenté de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI) qui avait soumis « plusieurs importantes propositions afin de bonifier le projet de règlement et le tout se détaillera dans les trois (3) axes ». Il faut reconnaitre que le gouvernement a dans sa dernière mouture pris en compte le volet d’une partie du deuxième axe, «la réduction de l’exigence d’occuper un emploi à temps plein pendant 36 mois pour se qualifier au PEQ travailleur » qui est passée maintenant à 24 mois. Consultation en ligne : Réponse de l’AQAADI à votre invitation du 28 mai 2020 de fournir des commentaires suivant la publication dans la Gazette officielle du Québec du projet de règlement modifiant le Règlement sur l’immigration au Québec).
[9] MIFI. Programme de l’expérience québécoise (PEQ). Une réforme du PEQ qui s’inscrit dans la modernisation du système d’immigration québécois : Communiqué, Québec, 9 juillet 2020.
[10] MINISTÉRE DE L’IMMIGRATION ET DES COMMUNAUTÉS CULTURELLES. – Étudiants réunionnais dans les régions du Québec – La ministre Kathleen Weil renouvelle l’entente de coopération avec les représentants de l’Île de La Réunion : Communiqué, Québec, 19 janvier 2011.
[11] Ibid.
[12] Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration. Document de consultation sur le programme de l’expérience québécoise (PEQ), Québec, février 2020, p.14, 19 p.
[13] Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, rapport annuel de gestion 2018-2019, Québec, p.12.
Par Doudou Sow le Mercredi 10 Décembre 2025 dans Blogue, PEQ (étudiants étrangers et travailleurs temporaires spécialisés). Aucun commentaire
