Crédit photo : Facebook Le Québec c’est nous aussi.
Le député libéral de l’Acadie et porte-parole de l’opposition officielle Immigration, francisation et intégration, André Albert Morin critique sévèrement le gouvernement qui, selon lui, a brisé un contrat moral qui le liait avec les orphelins du PEQ. Lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale le 27 novembre dernier, il avait alors reçu les représentants des associations étudiantes (FEQ et UEQ) venus dénoncer à l’Assemblée nationale la fin brutale du PEQ. Christopher Zéphyr, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec; Flora Dommanget, présidente de l’Union étudiante du Québec et Alain Diédhiou, étudiant international en technique de l’informatique, entre autres, avaient joint leurs voix à celles des milliers d’immigrants réclamant minimalement une clause grand-père pour les laissés-pour-compte du PEQ.
Une coalition des forces étudiantes, militantes, syndicales, politiques et citoyennes pour exiger le respect des règles du jeu, de la parole donnée et de la dignité humaine
La veille, plus exactement le mercredi 26 novembre, c’était le député de Québec solidaire, Guillaume Cliche-Rivard, qui accueillait une délégation composée d’étudiants étrangers et de travailleurs étrangers temporaires (TET) à l’Assemblée nationale du Québec. Ladite délégation « réagissait à l’abolition du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) et aux conséquences que cela aura sur des milliers de personnes immigrantes au Québec ».
Tous les acteurs qui s’impliquent de près ou de loin dans ce dossier demandent la même chose : le rétablissement du PEQ ou à tout le moins le maintien de droits acquis; une règle qui a toujours prévalu lorsque le gouvernement fait un changement de lois, de programmes ou de mesures. La question pertinente reste celle-ci : pourquoi cette fois-ci une mesure de transition pour le PEQ ne s’applique pas aux personnes impactées par ce programme pertinent et innovateur? Les manifestants plaident sans cesse pour plus de justice envers les immigrants qui ont choisi le Québec sur la base de l’obtention du PEQ.
Après l’appui sans équivoque des quatre grandes centrales syndicales au mois de novembre, les anciens candidats du PEQ ont reçu cette semaine deux appuis de taille pour la clause grand-père. La sortie publique sur les réseaux sociaux mardi matin du maire de Québec Bruno Marchand a fait l’objet d’un article de Radio-Canada. Sous la plume de Jonathan Lavoie, on y apprend que le maire de la Capitale-Nationale est un fervent défenseur du PEQ et des personnes immigrantes, d’où le titre « Bruno Marchand critique la fin du PEQ et prend la défense des immigrants ».
« On n’accueille pas seulement par générosité. Tout le monde y gagne. Quand on a ouvert nos portes, on a signé en quelque sorte un contrat avec ces personnes : si vous faites le nécessaire pour vous intégrer à notre société, en français, on vous accueillera de façon permanente », écrit le maire.
« Alors qu’elles ont respecté leur part du contrat, on leur dit aujourd’hui qu’on a changé d’idée et qu’on ne respectera pas notre part du contrat. Et on les invite à partir. Comme maire, j’ai du mal à expliquer cela. Encore plus à l’accepter », laisse entendre le maire. Le Devoir est revenu dans sa publication du 10 décembre sur les réactions du maire par le biais de son journaliste Sébastien Tanguay. « Bruno Marchand critique des politiques migratoires « inhumaines ». « Le maire de Québec déplore l’incertitude imposée à des gens francisés qui « font fleurir la vie économique » de sa ville.
Toujours dans les appuis, une lettre collective de plus de 157 professeurs d’université en faveur d’une clause « grand-père » a été également publiée dans le journal Le Devoir : « Recruter des étudiants pour leur fermer la porte au nez crée une injustice inqualifiable » (François Crépeau professeur émérite à la Faculté de droit de l’Université McGill et Ndeye Dieynaba Ndiaye, professeure en droit au département des sciences juridiques de l’UQAM).
Les auteurs de la lettre collective ont bien raison de souligner ce fait indéniable : « Les gouvernements peuvent changer les règles, mais elles ne doivent pas avoir un effet rétrospectif ».
Par communiqué en date du 10 décembre, L’Union étudiante du Québec « L’UEQ se désole d’avoir vu le gouvernement mettre en suspens la vie de toutes les personnes étudiantes internationales qui désiraient se prévaloir du PEQ. Rappelons que ces personnes ont été attirées au Québec à grand renfort de fanfare et de trompettes, avec des promesses que le gouvernement a retirées sous leur nez. Aucun aménagement, aucune clause de droits acquis n’ont été offerts à ces personnes que le PEQ aura attirées, mais qui n’ont jamais pu y déposer une demande à la suite de sa mise en pause pendant plus d’un an. L’UEQ s’insurge que le gouvernement du Québec tente de se soustraire à ses responsabilités après avoir changé les règles en cours de route[1]. »
Le PEQ, un très bon programme aboli sans clause de droits acquis et remplacé par un programme imprévisible
Un nouveau système qui fonctionne en attribuant des points au candidat immigrant selon une grille qui tient compte selon un récent document du MIFI de plusieurs facteurs, notamment le niveau d’éducation, les années d’expérience, le niveau de français, les années d’expérience, l’âge et la région de résidence[2].
« Or, rien ne garantit qu’un candidat sera appelé, pas même un score élevé, avance [l’avocat en immigration] Yves Martineau dans un reportage de Jean-François Thériault et Jacaudrey Charbonneau de Radio-Canada du 5 décembre intitulé « Les élus et les déçus du nouveau programme d’immigration permanente du Québec ».
« Les points sont un facteur parmi d’autres. Je pourrais avoir 1000 points, mais si le gouvernement décide d’appeler seulement les gens en dehors de la communauté métropolitaine de Montréal, ou seulement les professions de la santé ou de la construction, alors notre ingénieur en informatique de Montréal, même s’il a 1000 points, n’aura pas d’invitation. »
Me Martineau déplore que plusieurs personnes « à qui on a fait des promesses, à qui on a fait miroiter un accès à la résidence permanente » sous l’ancien programme ne soient finalement « laissées en plan », soulignent ainsi les auteurs du reportage.
Dans cette « grille et de points », il faut également mentionner que l’âge peut être un facteur limitatif ou éliminatoire, car à partir de 45 ans, on n’a plus de points dans le PSTQ.
« Le gouvernement peut établir les critères qu’il souhaite à chaque ronde d’invitations, et il n’y a aucun moyen de savoir à l’avance », indique Yves Martineau, avocat en immigration et membre de l’AQAADI qui connaît parfaitement ses dossiers.
Les premières invitations envoyées par le biais du PSTQ depuis la fin du PEQ et l’adoption des nouvelles orientations sur la planification pluriannuelle de l’immigration au Québec pour la période 2026-2029 ont créé beaucoup de déception même si plus de 1870 candidats immigrants ont récemment été invités à déposer leur déclaration d’intérêt via Arrima. En réalité, il y a « beaucoup de demandes, peu d’élus » comme le soulignait un article de Lisa-Marie Gervais du journal Le Devoir « Les invitations au PSTQ ne font pas que des heureux ».
Lors de la période de questions et réponses orales à l’Assemblée nationale du 9 décembre dernier, le député libéral de l’Acadie André Albert Morin faisait remarquer qu’« avec la dernière annonce, c’est 3 % des gens qui sont invités. Il y en a 97 % qui demeurent en attente. Les entreprises ne savent pas quand le ministre [de l’immigration] les appellera dans leur secteur. »
Le porte-parole de l’opposition officielle Immigration, francisation et intégration sera aussi présent aux côtés des impactés du PEQ qui ont prévu de manifester devant l’Assemblée nationale du Québec le 12 décembre à 13h. Un rassemblement similaire organisé par le collectif Le Québec c’est nous aussi aura également lieu à Montréal à 11h devant les locaux du MIFI pour dénoncer la suppression du PEQ et pour la clause grand-père.
Doudou Sow, sociologue du travail et des organisations et auteur de quatre ouvrages sur l’intégration et la régionalisation de l’immigration
[1] « L’UEQ s’offusque de l’insensibilité du ministre Roberge envers les drames humains causés par l’abolition du PEQ » | Communiqué, 10 décembre 2025.
[2] Document MIFI rendu public le 8 décembre- Programme de sélection de travailleurs qualifiés (PSTQ) Comprendre le programme et son système d’invitations
Par Doudou Sow le Mercredi 10 Décembre 2025 dans Blogue, PEQ (étudiants étrangers et travailleurs temporaires spécialisés). Aucun commentaire
