Je souhaite partager le témoignage de ma famille, pour expliquer concrètement l’impact de l’abolition du PEQ sur des travailleurs qualifiés qu’on a fait venir pour répondre aux besoins du Québec.

Nous sommes une famille française arrivée le 29 août 2023. Notre projet d’immigration n’est pas récent, il est né il y a plus de 20 ans, inspiré par le rêve de mon petit frère Julien, décédé en 2005, qui souhaitait vivre en Amérique du Nord. Ce rêve, nous avons décidé de le réaliser en famille, avec nos deux filles. Après plusieurs années de préparation, de sacrifices et de démarches, nous avons tout quitté en France, nos deux emplois stables, vendu notre maison, nos véhicules, nos meubles et avons quitté nos familles et amis…

Nous sommes arrivés ici avec 17 valises, portés par l’idée qu’au Québec, on avait besoin de nous.

Le parcours de Fanny, une éducatrice expérimentée, diplômée

Mon épouse, Fanny, exerçait déjà ce métier en France depuis plus de 4 ans, avec un diplôme complet (CAP Petite Enfance). Elle a continué naturellement ici, car les services de garde québécois manquent cruellement de personnel qualifié.

Depuis notre arrivée :

• Elle travaille dans une garderie en CNP 42202, un secteur officiellement reconnu en pénurie sévère. • Son intégration est parfaite, adorée par les enfants, appréciée par les parents, respectée par ses collègues et soutenue par ses employeurs.

• Elle répond exactement aux besoins que le gouvernement met de l’avant dans tous ses discours. Et pourtant…

Le ministre de l’Immigration, M. Roberge, vante son nouveau Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ). Nous avons déjà appliqué dès l’ouverture, dans la catégorie en pénurie, en région, avec l’expérience, le diplôme et le poste. Mais malgré tout cela, nous n’avons jamais reçu d’invitation. Alors que les garderies continuent de manquer de personnel.

Alors que chaque semaine, on demande encore des éducatrices qualifiées. À force d’attendre et d’espérer, nous en sommes arrivés à cette phrase qui résume tout : « Nous avons plus de chances de gagner au Loto Max que d’être invités par le PSTQ. »

C’est devenu une réalité tristement partagée par beaucoup d’immigrants francophones déjà établis au Québec. ⸻

Mon parcours, des employeurs intéressés, mais un système qui ferme les portes

De mon côté, j’étais venu pour travailler dans un secteur où mes compétences étaient recherchées, avec plus de 15 ans d’expérience professionnelle en tant que technicien / coordination en logistique. J’ai aidé à redresser une entreprise ayant des difficultés financières, dont je n’étais pas au courant à mon arrivée au Québec !

J’ai alors remis en place leur commerce en ligne, j’ai remis leurs stocks à jour, fait remonter leur boutique eBay jusqu’au statut de Top Vendeur mondial. Après 23 mois, malgré mon investissement, j’ai été victime d’un licenciement économique. Et sur un permis fermé, cela signifie aucune flexibilité, aucune transition possible. Pourtant, je suis disponible jusqu’en août 2026, alors j’ai commencé à faire des démarches pour retrouver un employeur : sur plus de 50 candidatures, à peine 20 ont répondu, toutes négatives à cause du 10 %, de la nouvelle règle du bas/haut salaire ou de la lourdeur des démarches.

Deux employeurs voulaient m’embaucher. Nous avions tout validé ensemble : les tâches, horaires, conditions. Mais au bout de 1 ou 2 semaines, les deux m’ont écrit plus ou moins le même courriel : « Nous devons annuler. Procédure trop longue, trop coûteuse, statut trop complexe. » D’ailleurs, sur les 50 postes postulés, 40 sont toujours affichés aujourd’hui ! Les entreprises ne trouvent personne, mais ne peuvent pas embaucher ceux qui sont déjà sur place, motivés et compétents. C’est absurde.

⸻ Toute notre famille est intégrée, et incomprise face à cette politique

Nos deux adolescentes sont bientôt des adultes. Elles étudient ici, ont leurs amis, leurs chums, leurs activités, leurs projets, leur avenir au Québec. Elles veulent contribuer à cette société qui les a accueillies. Nous avons même dû passer des tests de français… pour prouver notre propre langue maternelle ! Nous sommes profondément intégrés. Nous travaillons. Nous contribuons. Nous participons à la vie locale. Nous sommes soutenus par nos amis, nos voisins, nos collègues, qui ne comprennent absolument pas qu’on puisse traiter ainsi des familles qui se sont investies sincèrement. ⸻

Ce que nous demandons

Nous demandons simplement :

• De la cohérence entre les discours et la réalité.

• De la justice pour ceux qui sont déjà établis ici.

• Une transition équitable pour les familles venues répondre aux besoins du Québec.

 Le Québec avait besoin de nous quand il nous a fait venir. Aujourd’hui, nous avons besoin que le Québec tienne ses engagements.

Maxime Gress et sa famille

Par Doudou Sow le Mercredi 10 Décembre 2025 dans Blogue, PEQ (étudiants étrangers et travailleurs temporaires spécialisés). Aucun commentaire