Image : Témoignage poignant de Sabrina Kouider Philippon, infirmière clinicienne au sein du CIUSSS de l’Estrie lors du point de presse de M. Guillaume Cliche-Rivard, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’immigration, de francisation et d’intégration, Assemblée nationale du Québec.
« Les gouvernements peuvent changer les règles, mais elles ne doivent pas avoir un effet rétrospectif », peut-on lire dans une Lettre collective de plus de 157 professeurs d’université en faveur d’une clause « grand-père », publiée dans Le Devoir : « Recruter des étudiants pour leur fermer la porte au nez crée une injustice inqualifiable ».
L’incertitude créée par l’abolition brutale du PEQ plonge les orphelins de ce programme dans une situation de précarité et de cauchemar par rapport à leur avenir au Québec. La précarité du statut migratoire, le stress, l’angoisse sont actuellement les sentiments les plus partagés chez les laissés-pour-compte du PEQ. La santé mentale des anciens candidats au PEQ est actuellement mise à mal devant le refus du gouvernement caquiste de leur accorder une clause grand-père.
La détresse psychologique touche autant les impactés du PEQ, les employeurs qui embauchent les travailleurs étrangers temporaires (TET) ainsi que les professionnels qui accompagnent cette catégorie de population qui vient du coup s’ajouter à la liste de personnes vulnérables au Québec.
Derrière les chiffres, il y a des êtres humains, des histoires et trajectoires de vie
Il y a de plus en plus d’employeurs québécois qui se mettent à pleurer car ils ont perdu leurs travailleurs à cause de la fin sans préavis du PEQ mais aussi des mesures arbitraires du fédéral (lire à ce sujet notre prochain article sur la responsabilité partagée des deux paliers de gouvernement). On a pourtant souvent reproché aux employeurs de ne pas mettre en place de bonnes conditions de travail pour faciliter l’intégration des immigrants mais la réalité actuelle sur le terrain démontre que plusieurs d’entre eux ont fini par humaniser l’immigration. Il n’y a jamais eu autant d’investissements, dans tous les sens du terme, des employeurs québécois pour s’occuper de leur main-d’œuvre diversifiée. D’habitude discrets, se sentant acculés devant le mur, ils se mettent maintenant à partager sur les réseaux sociaux des situations ou publications venant en aide à leurs employés issus de l’immigration. L’impact humain des politiques migratoires est un aspect pourtant négligé mais Ô combien important dans la problématique de l’immigration.
Il existe même « des cliniques juridiques pour apaiser l’anxiété liée à l’immigration », comme le soulignait un article de Marika Wheeler de Radio-Canada. « Un organisme et des avocats s’associent pour donner des informations sur le nouveau programme d’immigration (le PSTQ). »
« Depuis les changements apportés aux programmes d’immigration au Québec, le stress est palpable chez les personnes touchées. Pour tenter d’apaiser l’angoisse ressentie, un organisme communautaire s’associe à une firme d’avocats dans l’espoir d’offrir des informations claires.
« Il y a pas mal de personnes qui se sentent insécures, qui cherchent de l’information, qui ne savent pas vers qui se tourner », constate Nadège Joassaint, la directrice générale du Service d’orientation et d’intégration au travail pour les personnes immigrantes (SOIT). »
La déception des anciens candidats au PEQ qui tentent leur chance d’obtenir le nouveau programme-PSTQ- est très grande si l’on se fie aux témoignages et commentaires sur les réseaux sociaux. « Si les anciens programmes offraient une prévisibilité aux personnes immigrantes déjà au Québec, le PSTQ offre davantage de contrôle au gouvernement dans son choix des candidats, et plus d’incertitude pour les candidats. (…) En date de septembre, moins de 2 % des personnes ayant déclaré leur intérêt à obtenir la résidence permanente avaient reçu une invitation[1]. »
Les critiques au sujet de l’imprévisibilité du nouveau programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ) viennent de plusieurs acteurs, tous secteurs et milieux confondus. « Le PSTQ n’est pas un gage de prévisibilité. Le PEQ, à l’époque, lui, était prévisible. Et, malgré ce qu’a fait le ministre, on ne change pas les règles du jeu sans prévenir en troisième période. Il est temps de corriger et d’adopter une clause de droits acquis », fait remarquer André Albert Morin, porte-parole de l’opposition officielle Immigration, francisation et intégration. Lors de la période de questions et réponses orales du 9 décembre, le député de l’Acadie s’appuyait sur les chiffres du journal Le Devoir qui indiquait que « Québec en a lancé 1870, laissant pour compte plus de 75 000 postulants[2] ».
Plusieurs acteurs trouvent le nouveau programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ) plus restrictif et sélectif. « Avec l’impression d’avoir été recrutées en raison de leurs contributions financières et économiques, mais aussi comme source de main-d’œuvre, les PEI (les personnes étudiantes internationales) éprouvent aujourd’hui des sentiments de trahison, de désespoir, de désillusion, mais surtout de violation grave de leur dignité humaine. » Cette analyse ressort d’une lettre collective de plus de 157 professeurs d’université en faveur d’une clause « grand-père », publiée dans Le Devoir[3].
Des témoignages pour remettre les pendules à l’heure mais aussi humaniser l’immigration
Le témoignage poignant de Sabrina Kouider Philippon, infirmière clinicienne au sein du CIUSSS de l’Estrie (Sherbrooke) raisonne encore partout au Québec et même à l’international[4]. Rien que sur notre page Facebook, son témoignage a recueilli plus de 370 000 vues en moins de deux semaines sans compter le taux d’engagement sur d’autres plateformes dépassant ainsi le million de vues. Faisant partie de la délégation composée d’étudiants étrangers et de travailleurs étrangers temporaires (TET) reçue à l’Assemblée nationale par le député Guillaume Cliche-Rivard le 26 novembre dernier, ce profil idéal recherché par le Québec n’a toujours pas reçu une invitation à l’instar d’autres profils similaires pourtant classés dans des secteurs en pénurie de main-d’œuvre. « Notre décision de quitter notre pays et de nous intégrer à la société québécoise était conditionnelle à une voie claire vers la résidence permanente, le Programme de l’expérience québécoise. C’était la garantie que notre engagement envers le Québec serait reconnu. Nous avons tout quitté, absolument tout quitté en France pour répondre aux besoins de main-d’œuvre dans le milieu de la santé. Nous avons vendu nos biens et accepté de perdre toutes les attaches familiales et amicales que nous avions », disait cette immigrante d’origine française.
« Donc, en mon nom, en celui de ma famille, en celui de mes collègues, je vous sollicite aujourd’hui pour que la politique du Québec en matière d’immigration soit équitable et rende justice à tous nos efforts. Nous vous demandons simplement la mise en application d’une clause grand-père. Il en va de notre avenir », lançait-elle ce cri de cœur.
« Les immigrants sont traités de façon « inhumaine », selon le maire Bruno Marchand », tel est le titre d’un article de Taïeb Moalla paru dans Le Journal de Québec du 10 décembre. « Au lieu de les traiter de façon « inhumaine », le Québec devrait respecter « le contrat moral » qu’il a conclu avec les immigrants vivant déjà ici et désirant y demeurer, a vivement plaidé Bruno Marchand, fait remarquer le journaliste.
Le maire de Québec Bruno Marchand est devenu par la force des choses le chef de file d’un mouvement national de contestation, au sens positif du terme, car comme des milliers de Québécois il humanise l’immigration et se bat pour la vitalité socioéconomique de sa ville.
« On veut juste un Québec qui s’occupe de son monde et qui respecte ses promesses. […] Mon Québec s’occupe des humains. […] On ne peut pas juste répondre administrativement », a-t-il lancé comme cri du cœur[5].
« La Ville de Québec qui compte sur son territoire 13 110 personnes immigrantes temporaires, qui représentent 10 % des travailleurs dans la région[6]», a toujours 10 000 postes vacants dans la RMR de Québec.
« Le gouvernement doit réaliser que ce mouvement ne s’arrêtera pas parce que ce sont nos vies qui sont en jeu », martelait Julien qui témoignait des impacts psychosociaux liés à l’arrêt brutal du PEQ lors de la deuxième journée de manifestation du 28 novembre dernier.
Dans cette perspective, une quatrième journée de manifestation organisée par Le Québec, c’est nous aussi est prévue à Montréal et à Québec le vendredi 12 décembre (respectivement à 11h et 13h) pour dénoncer l’arrêt brutal du PEQ et réclamer minimalement la clause de droits acquis. Les manifestants plaident sans cesse pour plus de justice envers les immigrants qui ont choisi le Québec sur la base de l’obtention du PEQ.
Parmi les dignitaires qui seront présents à la manifestation de Montréal, on peut notamment citer : Mme Louise Harel, figure politique très connue, très respectée et très engagée dans les combats de justice sociale, les représentants des centrales syndicales (CSN, FTQ), Loïc Goyette, coordonnateur aux affaires sociopolitiques à l’Union Étudiante du Québec (UEQ).
Pour le rassemblement à Québec, seront présents Etienne Grandmont de Québec solidaire (QS), André Albert Morin du Parti libéral du Québec (PLQ), un représentant de la centrale syndicale, CSN chaudière Appalaches – Québec, etc.
Doudou Sow, sociologue du travail et des organisations et auteur de quatre ouvrages sur l’intégration et la régionalisation de l’immigration
[1] Des cliniques juridiques pour apaiser l’anxiété liée à l’immigration, Marika Wheeler, Radio-Canada, 5 décembre 2025.
[2] Les invitations au PSTQ ne font pas que des heureux, Lisa-Marie-Gervais, Le Devoir, 9 décembre.
[3] Recruter des étudiants pour leur fermer la porte au nez crée une injustice inqualifiable, Le Devoir, (François Crépeau, Ndeye Dieynaba Ndiaye). La liste complète des professeurs d’université est dans le lien de l’article du journal Le Devoir. Les auteurs sont respectivement professeur émérite à la Faculté de droit de l’Université McGill et professeure en droit au département des sciences juridiques de l’UQAM. Ils ont cosigné cette lettre avec l’appui de 157 professeurs d’université.
[4] Point de presse de M. Guillaume Cliche-Rivard, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’immigration, de francisation et d’intégration, Assemblée nationale du Québec, 26 novembre 2025.
[5] Les immigrants sont traités de façon « inhumaine », Taïeb Moalla, Le Journal de Québec,10 décembre.
[6] Immigration : Marchand fustige l’«inhumanité», Émilie Pelletier, Le Soleil, 10 décembre 2025.
Par Doudou Sow le Vendredi 12 Décembre 2025 dans Blogue, PEQ (étudiants étrangers et travailleurs temporaires spécialisés). Aucun commentaire
