Le Québec, une société française laïque, adopte une politique d’intégration basée sur l’interculturalisme ; ce qui est aux antipodes de la politique fédérale multiculturelle. L’approche canadienne du multiculturalisme juxtapose  les cultures des différentes communautés culturelles.

Le Québec, qui a une histoire qui lui est propre, accueille la diversité dans une perspective interculturelle. La Belle province cherche à traduire, dans sa politique d’immigration, ses valeurs intrinsèques qui caractérisent les fondements de la société. Selon la conception québécoise de l’immigration, l’unité dans la diversité se fera autour des valeurs communes. Mais, l’interculturalisme n’est pas seulement lié à la culture. Le site du symposium international sur l’interculturalisme abonde dans ce sens :

« L’interculturalisme propose une manière de vivre ensemble dans la diversité. Sa caractéristique principale réside dans une insistance sur les interactions, échanges, rapprochements et initiatives intercommunautaires dans un objectif d’harmonisation, d’intégration et d’unité. Dans le respect de la diversité, le modèle vise aussi à faire émerger à long terme des valeurs, des visions et des aspirations communes au sein des composantes ethnoculturelles de la société[1]».

Les compétences interculturelles ne sont pas innées et demandent un certain apprentissage. La ville de Montréal de par sa composition sociodémographique vit la diversité au quotidien. Cependant, on pourrait favoriser davantage le vivre-ensemble harmonieux pour assurer une cohésion sociale entre tous ceux et celles qui vivent dans cette société.

Le programme de rapprochement interculturel est un bon outil pour permettre aux personnes immigrantes de mieux connaitre leur région d’adoption et les citoyens de celle-ci. En commission parlementaire en août 2011, M. Ulrick Chérubin, maire et deuxième vice-président de la Conférence régionale des élus de l’Abitibi-Témiscamingue (CREAT), soulignait l’importance du rapprochement interculturel en région : « Les personnes immigrantes indiquent que le fait de bénéficier d’un service de parrainage dans leur milieu et d’une personne à contacter facilement pour obtenir des informations sur notre mode de vie, par exemple, favoriserait un enracinement dans le milieu beaucoup plus rapidement[2] ». Ce projet qui a pris naissance en octobre 2006 fait partie d’éventuels outils permettant aux immigrants de bien s’insérer socio-économiquement dans leur nouvelle société d’accueil.

La problématique du rapprochement interculturel doit être le levier sur lequel doit se baser toute politique visant à harmoniser le lien social. Il existe une frustration exprimée de part et d’autre. Les immigrants se plaignent des difficultés de se trouver un emploi correspondant à leurs qualifications. La société d’accueil identifie le concept d’intégration à l’adoption et l’appropriation des valeurs identitaires québécoises. L’intégration à la majorité francophone dans cette société distincte en Amérique du Nord est un indicateur pertinent dans la question du vivre‑ensemble harmonieux.

Selon les personnes immigrantes, l’emploi est le nerf de la guerre pour leur intégration dans la société québécoise. Certaines d’entre elles pensent à un écran de fumée quand il s’agit de parler de la question identitaire. Elles ont immigré pour améliorer leurs conditions de vie.

La mise en place des lieux de rencontre pour développer le dialogue favorise un sentiment d’appartenance qui évite la ghettoïsation des immigrants. La mise sur pied  au sein des villes d’un Comité des relations interculturelles et de la diversité permettrait aussi de favoriser le rapprochement interculturel. Le Festival des traditions du monde ainsi que le Buffet des nations sont des événements qui constituent des occasions de rencontres interculturelles. Sherbrooke est la troisième ville québécoise à accueillir le plus grand nombre d’immigrants.

La sensibilisation aux relations interculturelles permet aux immigrants tout comme à la majorité minoritaire, pour reprendre l’expression du sociologue Gérard Bouchard, de se découvrir et de s’apprécier mutuellement. Dans toutes les sociétés du monde, l’intégration se réfère systématiquement à l’adhésion des valeurs de la société d’accueil qui constitue de facto le groupe majoritaire. L’immigration est une responsabilité partagée comme nous le rappelle l’Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration. « Trois principaux éléments caractérisent [le processus d’intégration] : qui touche toutes les dimensions de la vie collective, […] nécessite non seulement l’engagement de l’immigrant lui-même, mais également celui de l’ensemble de la société d’accueil ; [est] un processus d’adaptation à long terme qui se réalise à des rythmes différents.»[3] L’approche se base sur un contrat entre la société d’accueil et l’intégration des immigrants.

L’intégration socioprofessionnelle est nécessaire pour une participation active de l’immigrant dans la société québécoise. Le gouvernement a la responsabilité de s’assurer que les personnes immigrantes bénéficient d’un soutien et d’un accompagnement pour faciliter leur intégration. De la même manière, les personnes immigrantes devraient mettre tous les atouts de leur côté pour prendre leur place dans cette belle société.

Des solutions visant à souligner les réussites des personnes issues des communautés culturelles et à encourager l’apprentissage de la différence doivent davantage être mises en œuvre. Il faut faire valoir les bons coups des personnes immigrantes.

La représentativité dans le pouvoir et l’intégration en emploi dans tous les secteurs d’activité constituent une des solutions pour régler le problème. La présence dans les lieux de pouvoir et de représentation des différentes communautés rend crédible l’image de personnes immigrantes compétentes.

L’immigration ne doit pas être reliée exclusivement à l’idée de problèmes. L’intégration ne signifie pas reniement ou déni de son identité d’origine. Les personnes immigrantes ne peuvent pas ranger aux oubliettes tous les traits culturels qui ont façonné leur personnalité.

Un changement de paradigme consisterait à mieux vendre la diversité par la mobilisation citoyenne et une valorisation des bons coups de l’immigration. Des programmes de rapprochement interculturel contribueraient à l’idéal du vivre-ensemble harmonieux de la deuxième ville francophone au monde. Pour une meilleure visibilité de l’apport de l’immigration, les différents acteurs (gestionnaires, politiques, communautaire, syndical) doivent mettre l’accent sur les avantages de l’immigration. La pleine participation de tous les Québécois d’origine, comme des néo‑Québécois, constitue un paramètre dans l’intégration sociétale des individus qui composent la société.

L’auteur est sociologue-blogueur, conférencier et consultant. Il a publié en avril 2014 deux livres sur la question de l’intégration professionnelle des personnes immigrantes.

[1]En ligne : http://www.symposium-interculturalisme.com/1/accueil/fr

[2] Audition Conférence régionale des élus de l’Abitibi-Témiscamingue, « Consultation générale et auditions publiques sur le document de consultation intitulé La planification de l’immigration au Québec pour la période 2012-2015 », Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens, Version préliminaire, vol. 41 « 39e législature, 2e session (23 février 2011 au 1er août 2012) », no 12, 24 août 2011.

[3]     Ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration du Québec,  « Au Québec pour bâtir ensemble, Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration », p. 50, 1990.

Par Doudou Sow le Mardi 17 Octobre 2017 dans Analyse de l'actualité, Avis de l’expert, COIN DE L’EXPERT. Aucun commentaire