Toutes les sociétés ont besoin du travail des journalistes. La presse apporte de l’information aux citoyens. Le métier de journaliste est plus qu’important. Il n’y aurait pas de Watergate sans les journalistes. Le journalisme est nécessaire dans une démocratie. La presse québécoise est une presse vigilante. N’eut été cette presse, des scandales politiques ne seraient pas étalés au grand jour. Si ce n’était pas des journalistes, la population québécoise ne serait jamais au courant des scandales dans le domaine de la construction au niveau municipal.
Il faut saluer le travail remarquable des journalistes qui dévoilent au public des scandales, qui attirent l’attention des citoyens sur des problèmes, et qui font un travail de recherche et d’enquête journalistique extraordinaire. La presse québécoise n’a rien à envier à d’autres presses internationales dans le domaine de l’enquête journalistique (Émission Enquête de l’animateur Alain Gravel, JE, etc.).
En entrevue avec le journal gratuit Métro le 22 février 2010, John H. Gomery , juge à la retraite et président du Conseil de presse du Québec, disait ceci à la journaliste Marie-Eve Shaffer : « J’ai toujours eu la conviction que la profession journalistique est extrêmement importante dans notre société. C’est un moyen de diffuser l’information. J’ai toujours pensé que la presse est une garantie de notre démocratie. Sans [elle], les citoyens n’auraient pas les informations dont ils ont besoin pour bien comprendre ce qui se passe dans la société. » Nous souscrivons totalement à cette analyse.
Cependant, les personnes immigrantes se posent souvent des questions si les règles du métier concernant la rigueur, l’impartialité, la vérification sont pour autant respectées quand il s’agit de traiter de leurs cas. Des personnes issues des communautés culturelles éprouvent une méfiance à l’égard des médias. Le traitement de certains sujets dans les médias accrédite la thèse ou les thèses que les immigrants constituent une menace pour la société québécoise en refusant de s’intégrer aux valeurs de la société d’accueil. Les immigrants veulent que les médias couvrent des sujets qui traitent de l’égalité des chances dans la recherche d’un travail.
Ce ne sont pas les succès des immigrants qui font les manchettes. C’est comme si on était rendus à un stade où les bonnes nouvelles des personnes immigrantes ne sont pas des nouvelles. Les trains qui arrivent à l’heure ne sont pas de bonnes nouvelles ou les bonnes nouvelles ne sont pas des nouvelles. La valeur de la bourse ou la cote d’écoute ou l’audimat ne devrait pas se faire sur le dos des personnes immigrantes.
L’attitude que certaines personnes immigrantes ont de certains groupes de presse démontre la relation de méfiance envers ceux-ci. Les immigrants sont des « consom’acteurs », ils veulent lire, regarder, écouter des sujets en lien avec les problématiques qu’ils vivent réellement. À ce titre, il faut prendre le taureau par les cornes. En soulignant les bons coups des différentes communautés culturelles, les médias permettent, par la même occasion, aux jeunes de croire en l’avenir, de ne pas décrocher de l’école, mais aussi de souligner le caractère ouvert de la société d’accueil.
Le monopole de l’information n’existe plus. Les immigrants sont des personnes instruites qui s’informent tout le temps et qui aspirent à avoir une information qui leur parle. En outre, les immigrants ne vont pas s’abonner aux journaux québécois ou ils se tourneront souvent vers les médias de leur pays d’origine si les sujets traités ne leur permettent pas d’y trouver leur compte. À ce titre, le contenu de l’information sur les personnes immigrantes et leur intégration dans leur nouvelle terre d’accueil doit et devrait être amélioré. Le sujet de l’interculturalisme peut à la fois intéresser les personnes immigrantes comme la société d’accueil.
Par exemple, Radio-Canada International rassure ses invités immigrants qui se disent ne pas être piégés par certaines questions. Le SCOOP, dans ce cas-ci, reste une nouvelle de cohésion sociale. Nous avons discuté avec certaines personnes immigrantes qui confirmaient le sentiment d’être à l’aise avec le format de cette émission. Le traitement équitable des personnes suppose qu’on donne la parole à ceux qui font un contrepoids sur des sujets qui peuvent irriter la société d’accueil. Le cas de l’imam Jaziri qui est une création artificielle des médias québécois en est une parfaite illustration.
Nous demandons aussi à des candidats immigrants de demeurer ouverts aux journalistes s’ils veulent être cohérents dans leurs critiques. On ne peut pas continuer à faire le procès éternel des journalistes et refuser de donner des informations quand vient le temps de dire de bonnes choses.
Il faudra plus voir à la télé, entendre des personnes et lire des journalistes issus des communautés culturelles. La mise en scène médiatique des humoristes immigrants qui nous fait découvrir des personnes comme Rachid Badouri prouve que l’humour est une richesse culturelle au Québec et que l’humour est aussi un élément extrêmement important d’éducation permettant de joindre l’utile à l’agréable.
Le pouvoir des médias et leur influence sur la société, peu importe laquelle, est énorme. Les médias doivent s’approprier des différents modèles de réussite des communautés culturelles afin de montrer d’une part aux jeunes notamment aux prises avec des difficultés que la réussite est bel et bien possible au Québec. En procédant ainsi, ils montreront à la population que les personnes immigrantes contribuent activement au développement socioéconomique et culturel de la société que nous aimons tous du fond du cœur. La société québécoise est la terre d’accueil des personnes immigrantes et rien ne pourra remplacer ce fait.
La députée libérale Yolande James avait raison de dire que lorsqu’elle faisait sa tournée de consultation sur la pleine participation des communautés noires (275 groupes et individus), la question des modèles était le sujet qui revenait sans cesse. Les jeunes en ont assez de voir à la télé des rôles de gangstérisme ou des rôles dégradants.
Les personnes immigrantes se plaignent, et avec raison, que la médiatisation de certains sujets leur décrit comme des personnes en marge de la société ou refusant de s’intégrer aux valeurs de la société d’accueil (accommodements raisonnables par exemple).
Les relations médias-personnes communautés culturelles sont marquées par une certaine méfiance de la part des personnes immigrantes qui pensent que les médias cherchent à leur piéger dans les rares entrevues et ne font ressortir que les clichés.
Quand les immigrants voient qu’on ne leur présente pas sous un meilleur angle (les informations en boucle), ils fuient les médias même si certains journalistes font preuve de bonne foi dans la transmission de l’information et respectent les règles déontologiques et les trois fonctions ou rôles du journalisme : (Collecter, traiter et livrer l’information à la population).
Le citoyen québécois comme n’importe quel lecteur, auditeur, téléspectateur mondial qui lit, écoute et regarde les nouvelles, reste marqué par le traitement de l’information. La diversification des sources d’information demeure plus que nécessaire dans une société multiethnique.
En entrevue avec la rédactrice en chef du Web Magasine Patricia Turnier, le journaliste Philippe Fehmiu disait ceci : « On constate un décalage entre la représentation des gens issus des communautés culturelles à la télévision et ce que l’on voit dans la rue. Pourtant, la diversité peut faire gagner des grandes parts au marché médiatique. Il existe des décideurs qui perdent des occasions d’affaires en or. Il y a des gens qui ne regardent pas la télévision car ils considèrent qu’on ne s’adresse pas à eux en raison du manque de diversité ».
Les immigrants veulent que les médias couvrent des sujets qui traitent de l’égalité des chances dans la recherche d’un travail. Différentes études ont toujours démontré que la province québécoise demeure l’endroit où on enregistre le plus bas taux d’emploi des immigrants résidant au Canada.
Mais la documentation de notre livre sur l’intégration professionnelle des immigrants et l’identité québécoise à partir de l’analyse de certains textes journalistiques prouve aussi que certains médias sont également conscients des difficultés d’intégration des néo-Québécois et le traduisent dans leur ligne éditoriale.
Tout en s’inscrivant dans le plan d’action gouvernemental « La diversité: une valeur ajoutée» du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (récemment devenu le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI), la première campagne de sensibilisation et d’information du gouvernement libéral provincial arrive à une période où il faut moins que jamais cesser de marteler le discours de la nécessité de l’immigration et de sa nécessaire intégration. Les différentes données sur les immigrants de l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada sont là pour nous le rappeler.
La signature d’une entente avec les médias, par le biais des crédits d’impôt pour leur inciter à faire une sensibilisation auprès de la population pour chaque mois une page sur l’apport des communautés est une bonne chose. L’argent est le nerf de la guerre. Dans un contexte de crise économique où les médias traditionnels sont vivement concurrencés par des médias sur la toile et de plus en plus les médias sociaux, toute aide est la bienvenue.
Certaines régions ont signé des ententes pour vendre l’apport positif de l’immigration à travers les médias. En commission parlementaire sur la planification de l’immigration pour la période 2012-2015, le président du conseil d’administration du Service d’aide aux néo-Canadiens, Denis Marceau, vantait le partenariat avec les médias de la région : « Il y en a une qui existe en Estrie depuis quelques mois, qu’on appelle La Tribune de la diversité. Il y a, à chaque mois, dans La Tribune – c’est le journal de Sherbrooke et de l’Estrie principalement – donc, à chaque mois, il y a une page qu’on appelle La Tribune de la diversité où on met en évidence des personnes venues d’ailleurs et qui sont des exemples de bonne intégration. Et nous pensons que c’est une façon très démocratique de faire la promotion finalement des personnes venues d’ailleurs et ayant un apport très important pour la communauté estrienne et de Sherbrooke.»
M. Marceau donnait ainsi l’exemple d’un meilleur outil d’éducation ou de vulgarisation de l’apport que constituent les médias. « Mais La Tribune de la diversité (le journal de Sherbrooke et de l’Estrie), c’est un très bel exemple d’éducation populaire. Bien sûr, que le Festival des traditions du monde, c’est un événement de plus en plus important, qui rassemble de plus en plus, là, des gens venus d’ailleurs, puis même des gens en dehors de l’Estrie. On a été même surpris, il y a des gens de Québec, de Montréal qui viennent de plus en plus à ce Festival des traditions du monde.»
Il est vrai que les médias vont traiter tous les problèmes de société qui peuvent heurter certaines sensibilités de la société d’accueil (gangs de rue par exemple). Mais une information juste et équitable voudrait également souligner les bons coups. Donc, il faut certes dénoncer des problèmes de gangstérisme et autres, mais en même temps, souligner l’apport extraordinaire des communautés culturelles.
Le traitement équilibré de l’information envoie en même temps un message à la population sur son sens de l’accueil des personnes venues d’ailleurs et qui réalisent leur rêve. Nous sommes persuadé que la population appréciera un traitement de l’information sous cet angle : l’image d’une société qui valorise ses immigrants. Ceci est un travail citoyen de conscientisation qui ne regarde pas non seulement les valeurs boursières mais la conscientisation de la population aux réussites des personnes immigrantes.
Le traitement équilibré de l’information consiste également à donner la parole aux immigrants modérés qui sont majoritaires afin qu’ils expriment aussi leur point de vue sur des sujets aussi controversés comme par exemple les accommodements raisonnables.
Par Doudou Sow le Dimanche 08 Octobre 2017 dans Travailler au Québec. Aucun commentaire