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« Je m’engage à gouverner avec humilité, dans la transparence, à combattre la corruption à toutes les échelles », martelait le nouveau président Bassirou Diomaye Faye dans une déclaration devant la presse nationale et internationale lors de sa première apparition publique après sa victoire historique du 24 mars. Le vainqueur de la présidentielle venait ainsi de donner le ton sur son mandat de cinq ans. Une nouvelle ère qui envisage de contraster avec les années précédentes où les projecteurs étaient braqués négativement sur le Sénégal.

En effet, plusieurs périodes de tensions sociopolitiques (entre février 2021 et mars 2024) ont poussé les amis du Sénégal (Afrique, Europe, Amérique, Asie, etc.) à se poser des questions sur ce qui se passe vraiment dans ce pays de la Teranga (l’hospitalité), jadis havre de paix et modèle de démocratie en Afrique. Le président Macky Sall est le seul et unique responsable de la risée dont le Sénégal a fait l’objet ses douze dernières années, notamment ces 3 années pendant lesquels le pouvoir était en confrontation permanente avec le principal opposant Ousmane Sonko en vue de le liquider politiquement en instrumentalisant la justice, comme il l’avait réussi à le faire avec des opposants, tels que l’ancien fils du président d’Abdoulaye Wade, l’ancien ministre libéral Karim Wade, mais aussi l’ancien maire socialiste Khalifa Sall (2019).

Le président Macky Sall a plongé le Sénégal dans une grave crise lorsqu’il a reporté unilatéralement et anticonstitutionnellement le 3 février dernier une élection présidentielle à 10 heures du démarrage de la campagne électorale prétextant un risque de crédibilité du scrutin. Les Sénégalais devaient normalement se rendre aux urnes les 25 février 2024, avec finalement un décalage d’un mois et une campagne écourtée de deux semaines. Ce peuple qui est foncièrement démocrate est profondément attaché au respect du calendrier électoral républicain présidentiel et à la tradition démocratique. 

Redorer le blason du Sénégal terni par les faits et gestes dictatoriaux du président-putschiste Macky Sall

Le directeur exécutif de la section d’Amnesty International au Sénégal Seydi Gassama avait même invité, sur son compte X, le président Macky Sall avant de quitter le pouvoir à faire « des excuses au peuple sénégalais pour les dérives autoritaires et les errements de son régime qui ont causé tant de souffrance et terni l’image de notre démocratie ». Il a raison comme en jugent les titres des journaux et des lignes éditoriales qui insistent sur le fait que « Les Sénégalais élisent leur nouveau président après des années de crise ». Notre texte intitulé « Sénégal : la presse internationale parle du coup d’État constitutionnel tout en fustigeant « le jeu dangereux » du président Macky Sall » en est une preuve palpable. Le deuil du modèle démocratique sénégalais fait le tour du monde. Le Sénégal traverse l’une de ses pires crises politiques. La plus grave crise politique sénégalaise de ces 12 ou vingt dernières années, tels sont les titres qui caractérisaient la situation vécue par le phare de la démocratie.

Entendons-nous bien ici : nous vivons dans un monde planétaire où les faits et gestes sont scrutés à la loupe par les médias mais aussi amplifiés par le phénomène des réseaux sociaux et l’activisme de tous les lobbys, positifs ou négatifs, au sens du terme. Malgré sa volonté d’intimider, de museler, d’emprisonner et de reporter illégalement les élections, le peuple sénégalais s’est toujours tenu debout en attendant l’occasion démocratique de démontrer au président Macky Sall, son candidat désigné Amadou, son clan ou système, sa colère par une révolution dans et par les urnes matérialisée par une razzia électorale (54,28%) pour Bassirou Diomaye Faye comme le démontrent les résultats locaux et ceux de la diaspora sénégalaise, partie intégrante de cette victoire claire et nette.

Ce vaillant peuple a démontré au monde entier une évolution de sa résilience testée à dure épreuve ou plutôt une montagne russe avec des émotions à plusieurs étapes et plusieurs dates (du 3 février, du 25 février (deux dates constituant un traumatisme national) du 14 mars (sortie de prison des deux opposants  dix jours avant l’élection) et du 24 mars (deux autres dates symbolisant une libération pour le peuple sénégalais comme le démontrent la liesse populaire, le sourire retrouvé et l’espoir d’un véritable changement).

Le premier opposant en Afrique à avoir gagné une élection présidentielle dès le premier tour s’engage à être le président de tous les Sénégalais, à être le jeune président porteur d’espoir mais qui invite également les Sénégalais au travail acharné, réformant ainsi les institutions pour établir un lien de confiance entre le peuple et ses institutions, ses élites mais aussi en prêchant le bon exemple, lui et son nouveau premier ministre Ousmane Sonko.

Lorsque le tollé sur la décision in extrémis du président Macky Sall de reporter les élections a fait le tour du monde, les Sénégalais, surtout de la diaspora, rasaient les murs, se demandaient ce qu’on avait fait au Tout-puissant pour mériter une telle honte, un terrible coup de force porté à notre chère démocratie.

Après la victoire écrasante et éclatante du cinquième et plus jeune président du Sénégal, les amis africains subsahariens, maghrébins et Haïtiens sont unanimes pour crier sur tous les toits, avec joie et fierté, que « le Sénégal est un peuple qui sait ce qu’il veut ». Un modèle de démocratie résiliente porté par un peuple pacifique mais aussi combatif quand il le juge nécessaire, selon les enjeux du moment. La maturité du peuple sénégalais a été saluée, à juste titre, dans le monde entier dans un contexte où des coups d’État militaires mais aussi des coups d’État constitutionnels font légion en Afrique. « L’engagement du peuple sénégalais en faveur du processus démocratique fait partie des fondements de notre profonde amitié et de nos liens bilatéraux forts », avait réagi le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller.

Cette troisième alternance démocratique inédite à plusieurs égards sonne comme un vent de changement véritable qui, espérons-le, impactera de manière positive tout le continent africain, dont la  jeunesse décomplexée, panafricaniste, orientée sur le monde a soif de lendemains meilleurs à tous les niveaux. Le peuple sénégalais souverain a démontré à la face du monde qu’il est le seul arbitre du jeu démocratique.

L’élection historique du cinquième président Bassirou Diomaye Faye est la victoire du peuple sénégalais, de la jeunesse mais aussi d’un homme généreux désintéressé qui s’est toujours sacrifié pour les intérêts exclusifs du Sénégal en l’occurrence Ousmane Sonko. Les Sénégalais ont élu un président qui n’a de comptes à rendre qu’au peuple sénégalais -notamment la jeunesse qui constitue 3/4 de la population – qui l’a largement plébiscité dès le premier tour comme le faisait remarquer le journaliste Pape Alé Niang. Pastef qui ne voulait être l’otage d’aucun lobby a fait du changement du système et du financement participatif-un trésor de guerre venant surtout de la diaspora- son cheval de bataille.

Il y a un Sénégal d’avant et d’après Macky Sall

Le Sénégal est certes un petit pays, mais a la chance d’être aimé par tous les étrangers qui y ont mis un pied (tourisme, relation d’affaires, voyage, coopération internationale ou décentralisée, etc.). Ce pays a ce je ne sais quoi qui fait que sa signature, sa Téranga (hospitalité), sa joie de vivre dépassent les frontières. Son sens de la diplomatie (du masla), sa position géostratégique ainsi que la découverte du pétrole et du gaz (pays qualifié par certains experts de « futur émirat du gaz ») et toutes ces raisons font de telle sorte que la communauté internationale affiche une attention particulière pour ce pays de 18 millions d’habitants situé en Afrique de l’Ouest.

Tous les pays du monde ont connu à un certain moment      des crises (révolution française, révolution tranquille au Québec, crise de la démocratie aux États-Unis sous le règne de Trump, etc.), mais nous pouvons transformer la crise en opportunités. Hommage et gloire aux victimes, à leurs familles qui doivent être dédommagées. Vouloir, c’est pouvoir.

Le Sénégal occupe une position stratégique de phare de la démocratie en Afrique. Un pays qui n’avait rien à envier aux démocraties du monde et qui connaît le vote depuis 1848. C’est parce que le Sénégal a maintenant touché le fond que ses citoyens sont davantage convaincus que leurs acquis démocratiques sont fragiles et qu’il est important de continuer à se battre pour respecter la mémoire des sacrifices de plusieurs générations. Les Sénégalais ont connu une période de turbulence et par conséquent se relèveront droit dans leurs bottes. Impossible n’est pas Sénégalais, ce peuple articulé, structuré, ouvert sur le monde et qui a quelque chose à apporter. Voilà le Sénégal que nous voulons et qui doit reprendre sa place dans le concert des nations.

Il faudra résolument que les gouvernements successifs apprennent des erreurs des gouvernements précédents, réforment en profondeur les institutions, changent ce qui ne marchait pas durant les 12 ans de règne de Macky Sall mais aussi sous les anciens gouvernements. Ce nouveau gouvernement a l’obligation de faire la politique autrement, de réformer la justice, de promouvoir le culte du mérite, des bonnes personnes aux meilleures places. Le Sénégal va devenir encore un modèle de démocratie résiliente la démocratie sous-régionale, en Afrique, et dans le monde.

Les données sur la bourse sur le Sénégal ont augmenté une journée après l’élection, ce qui augure une bonne stabilité et la signature du Sénégal dans le monde entier. Le Sénégal de demain et l’espoir que l’élection du nouveau président suscite sur le continent africain sont les sujets qui font la manchette dans les médias internationaux. L’élection du nouveau jeune président Bassirou Diomaye Faye suscite un espoir immense au Sénégal, en Afrique et auprès des communautés noires à travers la diaspora. Le Sénégal, ce grand peuple pacifique et combatif saura retrouver sa réelle place dans le concert des nations. Ensemble, ce vaillant peuple pourra déplacer des montagnes!

Tous les deux profils (Sonko et Diomaye), qui ne sont pas des politiciens traditionnels mais des lanceurs d’alerte avec leurs expériences de syndicaliste, pourront faire rêver les Sénégalais pour plusieurs raisons. Le choix des Sénégalais s’est matérialisé auprès des opposants qui ont la volonté de changer les choses, de remettre en cause le statu-quo, de sortir du Sénégal de la pauvreté et d’assumer une souveraineté, une vraie indépendance.

Lire à ce sujet notre dernier article Le Sénégal, un modèle d’espoir et de résilience démocratique pour l’Afrique

Doudou Sow, sociologue, auteur et lauréat du Mois de l’histoire des Noirs

Par Doudou Sow le Mardi 09 Avril 2024 dans Blogue. Aucun commentaire