Le président-candidat du reniement éternel, Macky Sall, a rompu le lien de confiance entre lui et le peuple sénégalais et ce depuis longtemps. En Afrique et plus particulièrement au Sénégal, la parole d’un président qui se dédit en plusieurs moments n’a plus aucune crédibilité. « Il faut qu’on évite la technique du contournement. Quand il y a un règlement, c’est pour qu’il soit suivi, ce n’est pas pour qu’on passe à droite ou à gauche » disait Mgr Benjamin Ndiaye lorsque le président Macky Sall a perpétré un putsch constitutionnel en reportant unilatéralement l’élection présidentielle à 10 heures du démarrage officiel de la campagne électorale, une situation inédite au Sénégal. En fait, l’église sénégalaise a toujours été aux côtés du peuple sénégalais comme l’a aussi démontré cette intervention historique du président du Conseil national des laïcs (CNL) du Sénégal Dr Philippe Abraham Birane Tine qui réaffirmait la position ferme de l’église 1) demande au président Macky Sall de respecter les institutions 2) d’organiser les élections avant le 2 avril 3) d’organiser l’élection avec les 19 candidats choisis par le Conseil constitutionnel.

À cause de ses multiples volte-face, manœuvres ou girouettes, personne ne croit aux propos du président Sall même s’il soutient en wolof lors du dernier faux dialogue suscitant peu d’enthousiasme et boycotté par l’opposition représentative, des organisations de la société civile et 17 sur 19 candidats à la Présidentielle « Yakamtina dem sama yoon…Doyal na seuk ci mbiir mi » : « J’en ai assez, j’ai envie de partir! ».

Le président sortant Macky Sall a souvent habitué les Sénégalais à clignoter à gauche pour finalement tourner à droite. Le président roi qui est toujours dans le dilatoire refuse de donner une date de l’élection présidentielle initialement prévue le 25 février et unilatéralement reporté par lui-même. La diaspora sénégalaise ainsi que l’écrasante majorité de la population sénégalaise exigent que le scrutin soit organisé avant le 2 avril, date de fin du second et dernier mandat de Macky Sall.

Les paroles du président Macky Sall ne valent aucun sou : un rappel des faits s’impose… un reniement légendaire (Macky Sall da wakh wakhéte, wakhate wakhati wakhéte » comme le rappellent souvent les rappeurs notamment kilifeu du mouvement Y’en a marre)

Des guides religieux avaient demandé au leader Ousmane Sonko de surseoir toute revendication lorsque le pays était confronté à des graves révoltes en mars 2021 et que le président Macky Sall était dos au mur. Ce que Sonko accepta par respect aux guides religieux. En contrepartie, une série de recommandations devait être respectée par le président Macky Sall. Inutile de dire qu’il en a profité pour réarmer les forces de l’ordre et dire à sa guise qu’il ne sera plus surpris (lou fi amone dotou fi amate).

Celui qui disait « qu’il ne ferait pas moins que ses prédécesseurs » avait pourtant fait un aveu de taille (bayina ndiouth ndiath, j’ai abandonné les crocs en jambe ou mesquineries, traduction littérale) lorsqu’il invitait l’opposition à un dialogue, il y a de cela plus d’un an. Plusieurs dialogues (trois en trois ans) qui se sont déroulés par le passé n’ont rien donné de concret puisqu’ils ne sont pas sincères. Le président putschiste conditionne actuellement la tenue de cette élection cruciale à un dialogue auquel 17 des 19 candidats ont refusé de participer. Une dictée préparée par et pour le président roi dont la communication non verbale (expression faciale, mouvements du corps, attitude et gestes) trahit souvent, surtout lorsque l’orateur libre en face de lui livre un discours véridique, qu’il n’aime pas entendre de voix discordante. (cf. intervention de Dr Philippe Abraham Birane Tine). Son langage corporel conscient ou inconscient permet de mieux comprendre son état d’esprit. Il ne suffit même pas d’être un spécialiste de la communication pour savoir que les expressions du visage, les mouvements de la tête, des mains, la posture et/ou façon de se tenir, le soutien du regard du président en disent long sur sa personnalité. Les images frappantes saisies à l’instant T par TFM, Sans Limites et Walf TV, lorsque Dr Philippe Abraham Birane Tine lui rappelait de respecter les institutions, la Constitution et d’organiser la présidentielle avant le 02 avril, valent mille mots. Elles défilent sur les réseaux sociaux avec un collage impressionnant des internautes.

Les conditions du reniement en plusieurs actes : contexte et choix des actes posés

« C’est en février 2017 que se fera l’élection au lieu de 2019 », s’était-il engagé entre les deux-tours et lors de son investiture en avril 2012, devant le président français Nicolas Sarkozy et plusieurs partenaires, affirmant son intention de réduire son premier mandat de sept à cinq ans. Par la suite, après avoir entretenu les Sénégalais pendant des années sur son engagement, il s’est réfugié derrière un argument peu convaincant en prétextant se conformer à l’avis du Conseil constitutionnel. Un montage vidéo fait d’ailleurs une compilation du reniement du président sur plusieurs de ses engagements devant le peuple sénégalais.

Le discours précampagne de 2011 et en début de mandat 2012 pouvait laisser penser que le président Macky Sall qui tenait des engagements forts allait remettre le pays de l’hospitalité sur les bons rails. « Je ne suis pas élu pour faire des infrastructures …mais pour bâtir des institutions », sur la transhumance, le chômage. Malheureusement, il a renoncé à toute la souveraineté du Sénégal en ne protégeant pas et encadrant les entreprises privées, une porte ouverte pour les multinationales étrangères, ce qui fait que le taux de croissance ne se reflète pas dans le panier de la ménagère sénégalaise.

En 2011, le candidat Macky Sall récusait Ousmane Ngom et par la suite quand Me Wade avait changé le ministre de l’Intérieur pour lui retirer la charge des élections, il avait continué quand même à récuser le chargé des élections Cheikh Guèye. «Quand Macky fustigeait le choix de Ousmane Ngom comme organisateur des élections 2012 ! », titrait Sénégal 7 dans son édition du1er janvier 2019. « Une farce de mauvais gout », tel était le qualificatif trouvé par l’actuel président de la République du Sénégal Macky Sall, pour juger la décision de l’ancien président Abdoulaye Wade de mettre Ousmane Ngom comme organisateur des élections », soulignait ainsi ledit journal. Durant ses 12 ans de règne, le président Macky Sall a imposé des ministres de l’intérieur de son camp pour organiser des élections, même s’ils n’ont pas caché leur partisanerie. La fiabilité du fichier électoral, le choix d’une personnalité indépendante pour gérer les élections, le parrainage sont exactement des sources de conflits.

Le président Macky Sall s’était engagé à gérer dans la transparence à lutter contre la corruption. Il avait bien débuté son mandat en tenant un discours attendu par toute la population, un engagement ferme, qui lui avait accordé 65 % au second tour contre Abdoulaye Wade, un référendum en quelque sorte contre le président sortant.

Au cours de son premier discours de la Nation du 3 avril 2012, donc quelques semaines après son élection du 25 mars 2012, il avait exprimé sa fermeté « à ne protéger personne » dans la gestion des deniers publics. En clair, il n’intercédera pas pour ses partisans et laisserait des institutions comme l’OFNAC faire leur travail, qu’en est-il maintenant ?

Macky à ses collaborateurs « La (Crei- Cour de répression de l’enrichissement illicite) c’est pour les autres, mais l’(Ofnac) l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) c’est pour nous », titrait aussi le journal Setal.net. L’OFNAC créé par la Loi 2012-30 du 28 décembre 2012 court toujours derrière la déclaration de patrimoines de certains partisans et protégés du Chef. « Gouverner autrement, c’est bannir les passe-droits, le favoritisme et le trafic d’influence ; c’est mettre l’intérêt public au-dessus de toute autre considération et traiter tous les citoyens avec la même dignité et le même respect. En outre, l’État et ses démembrements réduiront leur train de vie tout en restant performants », nous promettait-il. La suite, on la connait hélas : une justice sélective et point de gestion sobre et vertueuse alors que des scandales impliquent ses partisans pourtant consignés dans des rapports de l’OFNAC sont tablettés. À l’épreuve des faits, la fermeté a été pour ses opposants et non pour ses partisans, une « justice deux poids, deux mesures ».

L’homme a toujours usé de ruse : tergiversation sur la signature ou non des assisses nationales, etc.

« Je vais réduire mon mandat de 7 à 5 ans. », « Je tiens à préciser que je ne protégerai personne, je dis bien personne. J’engage fermement le Gouvernement à ne point déroger à cette règle », « La patrie avant le parti. », « Une gestion sobre et vertueuse »

De principaux slogans avaient marqué de manière positive l’esprit des Sénégalais qui espéraient se débarrasser de la mauvaise gouvernance et l’impunité. « Réduction du mandat de 7 ans à cinq ans », « la patrie avant le parti », « je ne protégerai personne », « pas de décret pour son frère », engagement contre la « transhumance », etc. Ces slogans étaient de la musique aux oreilles des Sénégalais. Il n’a jamais respecté sa parole, ses engagements et il sera difficile pour les Sénégalais de le croire même s’il dit que son mandat à la tête du pays se termine le 2 avril 2024. Il est flagrant de voir qu’il joue contre la montre. Il sera encore plus difficile de croire, au vu de ses gestes celui qui dit, le 13 octobre 2017, ceci : « Je ne dépasserai pas 2 mandats si les Sénégalais me font réélire ».

En entrevue avec RFI le 28 mars 2012, le président fraîchement élu rembobinait la même rengaine : « Moi, je ne vais pas compromettre la Constitution et c’est pourquoi j’ai décidé, si je suis élu, de ne faire qu’un mandat de cinq ans au lieu de sept ».

Lorsqu’il était interviewé par Jeune Afrique Sénégal le 14 juin 2012, le chef de l’État sénégalais Macky Sall martelait ceci : « Avec moi, tout va changer » d’où le titre « Sénégal – Macky Sall : « Avec moi, tout va changer ». Selon lui, « la rupture n’est pas qu’un slogan. C’est un comportement, celui que les dirigeants de ce pays doivent adopter. Humilité, sobriété et rigueur doivent régir notre action politique … Avec moi, tout va changer. J’ai renoncé à deux ans de pouvoir, en ramenant le mandat présidentiel de sept à cinq ans et en m’appliquant immédiatement cette mesure, comme je m’y étais engagé. … À la fin de mon mandat, je ferai le même exercice, et l’on pourra comparer. »

En comparant son bilan, ses engagements et les gestes posés, on peut dire sans risque de se tromper que le président Macky Sall a lamentablement échoué sur son bilan immatériel : « Les Sénégalais ont réclamé une gouvernance plus vertueuse, plus éthique. Nous avons l’obligation de rendre des comptes, de réduire le train de vie et les dépenses naguère somptuaires de l’État. J’ai, par exemple, pris la décision de vendre le second avion de la présidence. J’ai aussi trouvé un gouvernement composé de 38 ministres en arrivant, et je l’ai ramené à 25. C’est désormais l’un des plus réduits d’Afrique, et je vous assure qu’il aurait été plus simple pour moi de distribuer plus largement les maroquins. »

Vérification des faits : Un reniement sur le gouvernement de 25 ministres tant prôné. « Découvrez la liste des 83 ministres nommés par Macky Sall… Du jamais vu !!! » titrait le 13 septembre 2017 le journal PressAfrik qui faisait remarquer que « C’est une première dans l’histoire de l’administration sénégalaise. Un Gouvernement aussi pléthorique avec 83 ministres. 40 ministres avec portefeuilles, 3 ministres d’État et 39 ministres sans portefeuilles… en plus du Premier ministre ».

Celui qui s’engageait à bâtir des institutions fortes et non pas seulement des infrastructures avait dit qu’il privilégierait les compétences au lieu des nominations familiales ou népotiques. « Aliou Sall (son frère) ne bénéficierait jamais de ma part d’un décret de nomination ». « Je ne mêle jamais ma famille à la gestion du pays. Si mon frère a été amené à être cité dans des affaires de sociétés privées, c’est parce que je lui avais justement indiqué très clairement dès ma prise de fonctions, qu’il ne bénéficierait jamais de ma part d’un décret de nomination, notamment en raison de l’histoire récente du Sénégal et parce que je ne voulais pas être accusé de népotisme. Je lui avais même conseillé à l’époque d’essayer de voir dans le privé », avait dit Macky Sall. Son frère a été finalement nommé par décret à la tête d’une institution qui gère des milliards de dollars. « Macky Sall nomme son frère à la tête de la caisse des dépôts et consignations » titrait ainsi plusieurs médias en septembre 2017. On justifiait par la suite cette nomination polémique en prétextant que celle-ci est une des prérogatives constitutionnelles du président alors pourtant dans l’opposition on fustigeait la nomination du fils de Wade à certains postes. Sentant les critiques, le président Sall parle avec dédain et mépris au peuple sénégalais (une première dans l’histoire des présidents du Sénégal) en disant « qu’il nomme qui il veut » à chaque fois qu’il y a des nominations controversées.

Autre dérive du président sur les questions de bonne gouvernance, c’est le limogeage de la présidente de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (l’OFNAC) Nafi Ngom Keïta. Selon certaines informations, Mme Keïta s’apprêtait à publier un rapport incriminant la gestion du frère du président Macky Sall dans le dossier du pétrole sénégalais. Elle avait fait le déplacement aux États-Unis pour y mener des enquêtes complémentaires. Cette femme avait jugé illégal le décret de limogeage signé par le président Macky Sall à son endroit et certains membres de l’opposition et de la société civile parlent également de la violation de la loi par le président sénégalais.

Un bilan ponctué de reniement, de justice sélective, de privation des droits même s’il y a une volonté d’aider les démunis avec une bourse de couvertures familiales, imparfaite mais à saluer. Il a engagé des grands chantiers couteux ponctués de dépassements de coûts servant à court moyen terme à des intérêts internationaux alors que les priorités étaient ailleurs dans un pays classé pauvre « Classement 2019 du magazine Américain Forbes : Le Sénégal de Macky Sall parmi les derniers ».

La bonne gouvernance a toujours été une préoccupation fondamentale de la population sénégalaise, elle l’est davantage sous le gouvernement Macky Sall qui s’était engagé à plus de transparence dans la gestion des deniers publics. Celui qui avait promis de créer des milliers d’emplois pour des jeunes est incapable de tenir ses engagements, il ne faut pas donc s’étonner de voir davantage de jeunes préférer l’exil forcé même dans des conditions dramatiques. Le président Macky Sall a laissé tomber des idées consensuelles des assises nationales qui avaient obtenu un consensus de plusieurs acteurs issus de plusieurs secteurs d’activité sociales, professionnelles et politiques.

Le 3 juillet 2023, le président Macky Sall avait juré d’«appliquer toutes les décisions de justice » pensant certainement que toutes les décisions de la justice inféodée au pouvoir exécutif lui seraient favorables. Avec le report anticonstitutionnel des élections et la non-exécution des directives du Conseil constitutionnel, on voit bien que le gardien ou la clé de voûte des institutions Macky Sall ne veille pas au respect des institutions. Il n’a jamais respecté la séparation des pouvoirs.

« La cohésion même de la société repose sur la valeur et le respect de la parole » disait à juste titre l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ dans le chapitre 8 « La tradition vivante », des paroles sages mises en valeur par le Comité scientifique international pour la rédaction d’une Histoire générale de l’Afrique (UNESCO). Les exemples de reniement du président Macky Sall cités dans ce texte sont loin d’être exhaustifs. Vu leurs nombres exorbitants, ils pourraient même faire l’objet d’un livre. Le célèbre historien français, Pascal Blanchard, a parfaitement raison d’affirmer que Macky Sall « a mis la pagaille absolue et fait mal à la démocratie. Monsieur Macky Sall, partez ».

Celui qui devait rassembler les Sénégalais a été le premier à les diviser dans plusieurs sphères (politique, syndical, professionnel, ethnique). Le partisan de la ligne dure a véritablement rompu le lien de confiance entre lui, une majorité du peuple, les opposants et tous les segments de la société. Les forces vives de la nation ont raison de ne pas dialoguer avec Macky Sall, car la priorité est le rétablissement de l’État de droit et le respect du calendrier électoral républicain.

Il faudra que les Sénégalais se rappellent souvent des propos prémonitoires d’Ousmane Sonko qui disait en substance qu’il ne sera pas facile de se débarrasser de Macky Sall, contrairement aux gestes républicains de ses prédécesseurs (Senghor, Diouf et Abdoulaye Wade) qui ont cédé pacifiquement le pouvoir puisque le nouveau putschiste veut devenir président à vie. Conclusion : il appartient aux Sénégalais de prendre leurs responsabilités devant un président adepte du reniement éternel.

Doudou Sow, sociologue, auteur et lauréat du Mois de l’histoire des Noirs

Par Doudou Sow le Lundi 11 Mars 2024 dans Blogue. Aucun commentaire