L’opposant antisystème Bassirou Diomaye Faye, encore en prison il y a une dizaine de jours avant l’élection, devient le plus jeune président de l’histoire du Sénégal. Pour la première fois en Afrique et au Sénégal en douze présidentielles au suffrage universel, un candidat de l’opposition gagne l’élection présidentielle dès le premier tour avec une victoire claire et nette.
Le candidat Bassirou Diomaye Faye, un cas inédit à la présidentielle
La candidature de Bassirou Diomaye Faye est à l’image de cette élection présidentielle inédite à plus d’un titre. Jusqu’au 14 mars 2024, à 10 jours du vote crucial du 24 mars, avec un candidat-prisonnier, Bassirou Diomaye Faye, le Sénégal se trouvait dans une situation inédite au niveau de la présidentielle. Le président Macky Sall a fait écarter par la justice des candidats à la présidentielle. Et même quand la justice donne raison à Ousmane Sonko, le système étatique fait tout pour ne pas l’appliquer.
La validation de la candidature de Bassirou Diomaye a été un scénario non pris en compte par le président Macky Sall qui pensait éliminer Ousmane Sonko et tous ses partisans. La vidéo préenregistrée du leader Ousmane Sonko avant son emprisonnement a douché les ardeurs parce que Ousmane Sonko qui s’est toujours sacrifié pour un Sénégal souverain, qui, n’a jamais fait une fixation sur le poste de présidence a proposé un autre candidat, en l’occurrence Diomaye, le Secrétaire général du parti pour accomplir le projet d’un Sénégal souverain.
De la case prison au palais présidentiel
Candidat à la place de Ousmane Sonko, l’opposant Bassirou Diomaye Faye âgé de 44 ans a écrit l’histoire en étant le plus jeune candidat devenu président alors qu’il sortait de prison, 10 jours avant l’élection présidentielle de même que son mentor emprisonné lui aussi et écarté arbitrairement du jeu électoral.
« En m’élisant Président de la République, le peuple sénégalais a fait le choix la rupture. Pour donner corps à l’immense espoir suscité par notre projet de société et donner corps à ses aspirations, je m’engage à gouverner avec humilité, dans la transparence et à combattre la corruption à toutes les échelles. Je m’engage à me consacrer pleinement à la refondation de nos institutions et au renforcement des fondements de notre vivre ensemble. », déclarait le nouveau président Bassirou Diomaye Faye lors de son premier discours après sa victoire historique. Le message des Sénégalais a été très clair. L’élection s’est finalement transformée entre un référendum entre la continuité prônée par Amadou Ba ou la rupture incarnée par l’opposition radicale et/ou représentative.
L’année 2024 a été aussi celle d’une élection qui se déroule dans un contexte d’exploitation des ressources naturelles (pétrole, gaz, etc.) et d’immigration irrégulière ayant entraîné des milliers de morts de jeunes sénégalais.
Une élection présidentielle à multiples enjeux et symboles
Pour une première fois la communauté internationale notamment les États-Unis et l’Union européenne a été obligée de peser officiellement de tout leur poids afin de demander au président Macky Sall de respecter le calendrier républicain. Le président de la Commission des relations étrangères au Sénat américain Ben Cardin a souvent « exhorté (le président Macky Sall) à fixer une date de l’élection (présidentielle) et à démissionner à la fin de son mandat). »
Ce n’était point une ingérence mais plutôt un geste pour éviter le basculement du Sénégal vers la descente aux enfers. La situation de chaos que traversait le Sénégal était d’abord, certes une affaire personnelle sénégalaise, mais elle pourrait devenir à la longue un problème qui n’est pas qu’intrinsèquement sénégalais, loin de là (lire à ce sujet notre prochain article de la Présidentielle).
Pour la première fois, l’avènement d’une nouvelle génération au pouvoir (âge, idées, vision et projets) qui se définit clairement comme antisystème et anticorruption. L’heureux élu que le candidat du pouvoir traitait d’« aventurier, d’inexpérimenté, d’incompétent » est celui qui a révolutionné la campagne, sous le guide de son mentor, et est entré dans l’histoire à plusieurs égards.
Les Sénégalais ont donné une véritable leçon de démocratie et ont démontré qu’ils auront le dernier mot peu importe la campagne de dénigrement qu’on peut faire sur un ou des leaders. La jeunesse a décidé de faire de cette élection son affaire. Le peuple est le vrai gagnant de cette élection mais aussi le leader Ousmane Sonko qui a réussi, en fin tacticien, de mettre tout un système à terre. Ousmane Sonko et son parti Pastef rentreront dans les annales du Sénégal mais auront aussi plusieurs défis à surmonter tant les espoirs sont immenses.
La volonté réelle d’apaisement va faciliter la réconciliation nationale prônée par tous les candidats lors de la campagne électorale. Une élection transparente dont beaucoup de Sénégalais ne doutaient pas de l’issue de la victoire car la majorité silencieuse n’attendait que ce moment pour exprimer sa colère dans les urnes mais aussi son espoir de voir un véritable changement porté par le nouveau président et sa coalition XXL qui se présentait comme la meilleure offre politique.
L’élimination du principal chef de l’opposition et des principaux adversaires du régime pouvait entacher la crédibilité du processus électoral et par conséquent la légitimité du nouveau président. Mais au final, le peuple sénégalais, le seul souverain a dit son dernier mot en élisant le plus jeune président de l’histoire du Sénégal. Le peuple sénégalais a préféré le changement à la continuité en votant massivement dès le premier tour avec 54,28% pour le « candidat du changement de système » et d’un « panafricanisme de gauche » Bassirou Diomaye Faye symbolisant ainsi l’espoir surtout de toute une jeunesse.
Le candidat qui était le mieux placé pour balayer le système (corruption, détournement de deniers publics, impunité, justice sélective, etc.) est prêt à appliquer les réformes consensuelles de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI), à débuter un partenariat gagnant-gagnant, à faire preuve de justice sociale dans ses décisions mais aussi à réconcilier les Sénégalais.
Doudou Sow, sociologue, auteur et lauréat du Mois de l’histoire des Noirs
Par Doudou Sow le Jeudi 04 Avril 2024 dans Blogue. Aucun commentaire