Le Sénégal, pays de la Téranga (l’hospitalité), l’un des pays les plus stables d’Afrique est un peuple pacifique. Toutefois, sous le règne du président Macky Sall, nous avons assisté avec regret à un déploiement d’un État violent et criminel (Sénégal : Un an après la mort de 14 manifestants, les familles réclament justice, Amnesty International, 3 mars 2022. Un autre titre édifiant du journal français Libération en date du 18 juin 2022 : Afrique-Trois morts dans une manifestation de l’opposition sénégalaise : « Le régime du tyran Macky Sall est injuste jusqu’à la moelle » (Jérémie Vaudaux). Les affrontements entre police et manifestants ont fait trois morts et onze blessés. Les populations ont montré sur les réseaux sociaux les balles réelles, gros calibres ayant causé la mort cruelle de jeunes sénégalais, dont leur seul tort est de manifester ou porter des revendications sociales et politiques).

Plusieurs Sénégalais, toutes origines confondues, ainsi qu’Amnesty international réclament également justice pour François Mancabou, un ancien garde de corps de l’ex-ministre d’État, ministre des Affaires étrangères de la République du Sénégal et vice-président de l’Assemblée nationale Cheikh Tidiane Gadio. Le décès de François Mancabou dans des conditions dramatiques continue d’émouvoir tout le pays. L’opposant sénégalais Ousmane Sonko avait déclaré lors d’un meeting, le 15 juillet dernier, que François Mancabou « a été torturé (jusqu’au) sang pour qu’il m’accuse de l’avoir envoyé faire des actes terroristes. Il a payé son refus de sa vie ».

Ces crimes ne devraient pas rester impunis puisque la vie de chaque personne est sacrée, peu importe son origine, son ethnie, sa religion, sa condition sociale (bilan total de décès et d’emprisonnement politiques sous le règne de Macky Sall, de 2012 à 2022 (cf Amnesty International Sénégal qui en a fait le décompte). Pour réparer ces injustices, il faut donc prôner une justice pédagogique allant dans le sens de rappeler à tous les acteurs qu’ils doivent rendre compte de leurs gestes.

Une image désacralisant l’institution parlementaire avait choqué plusieurs Sénégalais. En juin 2021, on notait la présence de nervis, de gros bras armés, aux côtés des forces de défense et de sécurité dans le cortège du Président Macky Sall en tournée économique dans le Fouta. Le titre du journal Pressafrik en dit long sur ce sérieux problème Sénégal: le pouvoir des « Nervis » croît devant le silence du Gouvernement.

« A moins de 6 mois des élections locales, il y a un phénomène qui n’augure rien de bon. Des gros bras armés dictent la loi du plus fort dans les manifestations hostiles au régime en place. Des événements de mars à la tournée économique du chef de l’État dans le nord du pays, PressAfrik a fait le point sur ce fléau qui prend une ampleur très dangereuse ». Bref, il faut mettre fin à l’impunité. Dans cette perspective, Amnesty International Sénégal qui lutte contre les dérives, sous toutes leurs formes, avait réclamé justice pour les morts.  « Les manifestations qui se sont déroulées au Sénégal dans la période du 3 au 8 mars 2021 ont été durement réprimé(és) par les forces de sécurité, entrainant des pertes en vies humaines et des blessés », dénonçait cette organisation de défense des droits humains au monde sur son site Web.

Amnesty International Sénégal dénonce vivement une tendance à l’impunité au Sénégal

«Un an après (3 mars 2022), le besoin de vérité et de justice reste urgent pour les familles des 14 personnes tuées dont 12 à la suite de tirs par balles par les forces de défense et de sécurité, ont déclaré Amnesty International, la Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme (LSDH), et la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO) à l’occasion du lancement de la campagne ‘Ensemble, demandons justice pour les victimes de la répression violente des manifestations au Sénégal».

« Il n’y a plus de temps à perdre. La justice doit faire son travail en toute indépendance et rapidement pour établir les faits et les responsabilités et juger les éléments des forces de défense et de sécurité qui se sont rendus coupables d’utilisation excessive de la force et d’homicides illégaux » a déclaré Seydi Gassama, directeur de la Section Amnesty International au Sénégal.

« Les autorités sénégalaises doivent être transparentes sur l’évolution de l’enquête en cours, faire suite aux plaintes déposées par certaines familles de victimes et permettre aux victimes et leurs familles de participer au processus judiciaire. L’impunité de l’usage excessif de la force au Sénégal, y compris l’usage illégal d’armes à feu doit cesser », a déclaré Sadikh Niass, Secrétaire Général de la RADDHO.

La cohésion nationale doit continuer à être renforcée dans ce pays où le dialogue ainsi que le brassage religieux, ethnique et culturel (pratique sociale de cousinage, parenté ou alliance à plaisanterie) constituent une richesse à préserver absolument. La demande sociale exige de mettre fin à une « Justice : deux poids deux mesures », une justice instrumentalisée par le pouvoir-qui liquide des adversaires politiques-mais aussi l’impunité, jamais égalée dans l’histoire politique sénégalaise.

Le thème de l’impunité faisait d’ailleurs partie des enjeux lors des élections législatives qui ont eu lieu le 31 juillet dernier. Les résultats des récentes élections législatives démontrent une lourde tendance déjà observée depuis les élections locales de janvier dernier : le président Macky Sall ne dispose plus d’une majorité au Sénégal, au sens propre et figuré du terme. L’opposition réunie obtient 83 députés, soit la majorité absolue. 

Une situation inédite de cohabitation à l’Assemblée nationale, une première dans l’histoire politique sénégalaise

« Le camp présidentiel a perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale », voici ce que titrait la presse nationale et internationale après la proclamation des résultats officiels provisoires de la Commission nationale de recensement des votes (CNRV), le jeudi 4 août. La répartition des sièges au scrutin proportionnel et majoritaire donne 82 députés à la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY- « unis pour le même espoir »), 80 députés à l’inter-coalition composée de Yewwi Askan Wi (Yaw-Libérer le Peuple) formée autour du principal opposant Ousmane Sonko et Wallu Sénégal (« secourir le Sénégal ») dirigée par l’ancien président Abdoulaye Wade, et 3 sièges aux autres coalitions ( AAR Sénégal (Alternative pour une Assemblée de Rupture), avec comme tête de liste, Thierno Alassane Sall, ancien ministre démissionnaire du gouvernement Macky Sall; coalition Bokk Gis Gis Liggey (vision commune) de l’ancien maire de Dakar et ancien président de l’Assemblée nationale, Pape Diop; coalition Les Serviteurs-MPR de Pape Djibril Fall, un journaliste et ancien chroniqueur).  L’opposition réunie obtient donc 83 sièges sur les 165 que compte l’Assemblée nationale. Pour le moment, aucune coalition n’obtient la majorité. Les résultats définitifs seront prononcés par le Conseil constitutionnel, après l’étude des recours de l’opposition. 

L’opposition sénégalaise a réussi son pari, celui d’imposer la cohabitation parlementaire et freiner les intentions du président Macky Sall qui restent floues sur sa décision de briguer une troisième candidature alors qu’il disait, vidéos et audios à l’appui, ne peut pas faire plus deux mandats comme le prévoit la constitution sénégalaise qui stipule en son article 27 que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».

Par Doudou Sow le Samedi 06 Août 2022 dans ACCUEIL, Blogue, Opinion. Aucun commentaire