Le Sénégal est à la croisée des chemins et retient son souffle. L’élection présidentielle est un moment important dans l’histoire démocratique d’un pays. Pour cette raison, elle exige une transparence et une égalité des chances entre tous les candidats pour une meilleure prise en compte des votes de tous les citoyens, peu importe leur choix politique.
Pour la première fois au Sénégal, l’élection présidentielle cruciale du 24 février 2019 risque d’être à la fois politique et juridique au vu des actes antidémocratiques posés par l’actuel président sénégalais, Macky Sall. Le Sénégal va vers un contentieux électoral, comme le prouvent l’instrumentalisation politique de la justice et les contestations judiciaires des décisions du Conseil constitutionnel, une institution qui connaît une rupture de confiance avec le peuple sénégalais. Deux prétendants au fauteuil présidentiel ont déjà été écartés et condamnés par une justice inféodée au pouvoir, en l’occurrence l’ancien ministre libéral Karim Wade et le maire socialiste de la capitale, Dakar, Khalifa Sall.
Deux dossiers politico-judiciaires qui ont deux dénominateurs communs : procès politique et délit d’ambitions présidentielles. Penser éliminer arbitrairement plusieurs redoutables adversaires de la présidentielle et croire organiser une élection libre et démocratique, dans un pays avec un engagement citoyen assumé comme le Sénégal, relève de la pure fantaisie.
Chaque fois que la justice sénégalaise a rendu un verdict sur le plan national, celui-ci a été contesté et condamné sur la scène internationale par des juridictions compétentes. L’État du Sénégal sous Macky Sall a violé plus d’une fois les règles du droit élémentaire des personnes. La récente entrevue sur France 24 du président Macky Sall est un aveu de taille sur ses règlements de comptes politiques avec ses deux farouches adversaires. Le président sénégalais est prêt à tout pour se faire réélire, peu importe les moyens. Son obsession à remporter un second mandat se justifie par les nombreux cas de mauvaise gouvernance, l’amenant ainsi à renier son slogan de campagne « La patrie avant le parti » ou la déclaration d’intention « d’une gouvernance sobre et vertueuse ».
Dans l’émission du journaliste indépendant Pape Alé Niang Décryptage-Round-up sur les faits saillants de l’année, Djibril Gningue, membre du Groupe de recherche et d’appui-conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance, répondait de manière convaincante et structurée à la question du journaliste qui demandait si « le fait d’éliminer les deux candidats potentiels pourrait entraîner une élection à haut risque au Sénégal ». M. Gningue répondait par l’affirmative en se basant sur « l’échelle d’appréciation des risques et menaces électoraux dans une situation préélectorale ». Selon cet ancien secrétaire exécutif du Comité africain des éducateurs à la paix, le Sénégal a « atteint un seuil critique d’alerte mesuré ou évalué par ces quatre éléments : incompréhension, tension, conflit et violence ». Les désaccords, la rupture du dialogue et de confiance entraînent l’incompréhension, la tension, le conflit et la violence.
La fiabilité du fichier électoral, le choix d’une personnalité indépendante pour gérer les élections, le parrainage sont exactement des sources de conflits, comme l’ont souligné le journaliste et ses invités. Dans un communiqué daté du 1er janvier 2018, 23 candidats de l’opposition « dénonçaient un coup de force du candidat sortant Macky Sall consistant à éliminer des candidats à l’élection présidentielle avec la complicité d’un Conseil constitutionnel ».
Soupçons de manipulation
Différents soupçons pèsent dangereusement sur la situation politico-judiciaire du Sénégal. « Les résultats de la présidentielle sont déjà sur la table de Macky Sall », dénonce Mansour Sy Djamil, un candidat et ancien compagnon du président.
Selon les révélations explosives du journaliste investigateur Mamadou Bane, les « sept sages » du Conseil constitutionnel devant valider les parrainages et les candidatures à l’élection présidentielle travailleraient avec un faux fichier électoral, taillé sur mesure par le président Macky Sall. En clair, un faisceau d’indices démontrant l’irrégularité du processus électoral semble indiquer la confiscation du pouvoir du peuple par le dictateur Macky Sall (emprisonnement et déportation de Karim Wade, emprisonnement de Khalifa Sall, imposition du parrainage, confiscation et rétention des cartes d’électeurs, exclusion des primo-votants, refonte de la carte électorale, imposition de son ministre de l’Intérieur, membre de son propre parti, pour organiser frauduleusement les élections). Il déroule son plan en posant plusieurs gestes sans être nullement inquiété.
Le contexte géopolitique sénégalais exige de ne pas abandonner à son triste sort cette ancienne vitrine de la démocratie africaine. À l’approche des élections, le président Macky Sall a commandé 65 engins blindés antiémeutes de fabrication turque et répète partout qu’il sera élu au premier tour, une impossibilité dans la configuration politique sénégalaise actuelle. Selon certaines informations relayées par la presse nationale, il dit qu’il préfère mourir plutôt que de ne pas avoir un second mandat.
Le respect des règles du jeu démocratique aboutirait à la clarté du scrutin, gage d’une élection apaisée, symbole de la tradition démocratique sénégalaise. Le coup de force électoral ne devrait pas passer. Le Sénégal n’appartient pas au président Macky Sall, encore moins à son clan, mais au peuple souverain sénégalais qui doit décider librement et démocratiquement de celui ou de celle qui sera à la tête du pays.
Doudou Sow, blogueur, citoyen socialement engagé et lauréat du Mois de l’histoire des Noirs 2017
Lire mes différents articles sur la situation politique sénégalaise :
Sénégal: une élection présidentielle verrouillée par l’actuel président Macky Sall
Sénégal: le respect du processus électoral, condition indispensable pour une élection apaisée
M. Trudeau, les gestes posés par le président que vous accueillez sont dignes d’un dictateur
Sommet de la francophonie : les vraies affaires
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La maturité du peuple sénégalais citée en exemple dans un livre sur l’intégration des immigrants
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Par Doudou Sow le Jeudi 31 Janvier 2019 dans Blogue, Opinion, Opinion. Aucun commentaire