Le dialogue politique est un indicateur d’une saine démocratie. Même si on dit souvent que le pouvoir gouverne et l’opposition s’oppose, il n’en demeure pas moins que le lien de confiance entre les différents acteurs politiques ne doit pas être brisé éternellement pour la stabilité d’un pays.
Le Sénégal a toujours été un pays de dialogue et comme dans toutes les nations du monde les tensions préélectorales existent mais sont vite dépassées parce que des règles démocratiques étaient déjà claires et égales pour tous les acteurs politiques. Mais jamais dans l’histoire politique du Sénégal, une élection électorale présidentielle n’aura suscité autant d’inquiétudes du fait des nombreux contentieux judiciaires et d’un système de parrainage opaque entrainant une grande rupture du dialogue politique (le code électoral consensuel de 1992). La mise en place d’un système de parrainage citoyen pour éliminer des candidats majeurs et potentiels vainqueurs par voie judiciaire, d’un système de parrainage sans consensus et imposé par Macky Sall, unique responsable de l’instabilité politique actuelle, et la judiciarisation de la politique conduisent le Sénégal vers le chaos.
Les titres des journaux sénégalais en disent long sur le manque de volonté politique du chef de l’État sénégalais pour décrisper l’atmosphère de tension politique dans laquelle il a plongé le Sénégal : Cheikh Hadjibou Soumaré écrit à Macky et à la communauté internationale : « L’heure est grave… »; Processus Électoral : Le Sénégal Vilipendé À La CEDEAO Et À L’ONU…Situation préélectorale : Le Forum civil alerte contre «un risque de basculement du pays.
Une crise de confiance entre le pouvoir et l’opposition aggravée par les gestes antidémocratiques du président candidat Macky Sall
« L’État triche et est pris la main dans le sac, ce qui est extrêmement grave. Voilà là où on est [soutient Boubacar Camara candidat leader du mouvement « Jengu » (se révolter) dans une entrevue accordée au journal Seneweb « L’État a triché »]. Le dispositif électoral qui a été inventé par des Sénégalais, d’éminents juristes, politologues, sociologues, a très bien fonctionné et a permis d’emmener deux alternances. C’est ce dispositif qu’il [Macky Sall] est en train d’enterrer aujourd’hui », regrette amèrement monsieur Camara.
Lors d’une mise au point sur la situation nationale, le candidat recalé à l’élection présidentielle de la Coalition « Fippu » trouvait « tout à fait illégal » certaines décisions du Conseil constitutionnel. Après avoir dénoncé le fait que le parrainage ait été « une opération montée (de toutes pièces) pour éliminer des candidats avec un fichier électoral miné par le ministre de l’intérieur qui l’a envoyé au Conseil constitutionnel qui, a son tour, l’a pris comme argent comptant et a bâti un logiciel sur cette base, le conseil constitutionnel s’est arrogé les droits qu’il n’a pas en considérant que certains rejets des dossiers de parrainage ne sont pas régularisables ». En même temps, il condamne les gestes antirépublicains du président candidat à sa propre réélection, Macky Sall.
Pour celui qui a quinze années d’expérience dans l’administration, le président Macky Sall a mis en place « un dispositif » pour une réélection frauduleuse. Il décrit « le triste tableau » retraçant ainsi plusieurs étapes ou énumérant plusieurs gestes posés par le chef de l’État sénégalais pour voler les élections. « Il [Le président Macky Sall] l’entame avec les cartes électorales distribuées à la tête du client. Un fichier électoral manipulé, retenu, un parrainage saboté, un ministre de l’intérieur partisan qui va organiser des élections selon lui […]. Voilà là où on en est au Sénégal, le triste tableau […]. Ceux qui n’ont pas été bloqués sont affaiblis […] Tous les candidats qui l’amèneront au second tour seront affaiblis », d’où « la ceinture de sécurité » qu’il avait demandé « au tour du candidat Ousmane Sonko » pour empêcher le président Macky Sall d’arriver à ses fins politiques. Le leader et candidat à la présidentielle, Ousmane Sonko a exposé, lors d’un rassemblement politique, les différents actes posés par le président pour dérouler arbitrairement son coup de force électorale. « Présidentielle 2019: Sonko soupçonne une fraude à grande échelle », titrait Azactu.net, le 5 janvier dernier.
Le fil du dialogue ne pouvait être renoué tant que certains dossiers politiques judiciarisés n’avaient pas connu un dénouement favorable, selon l’opposition représentée par deux grands partis, le parti démocratique sénégalais (PDS) et la coalition « Taxawu Sénégal » dirigée par Khalifa Sall, ancien maire de la capitale sénégalaise, actuellement incarcéré.
En effet, le pouvoir de Macky Sall avait déjà éliminé Karim Wade et Khalifa Sall bien avant l’instauration du parrainage.
La récente décision du Conseil constitutionnel d’invalider les deux adversaires redoutables du président candidat à sa propre succession vient augmenter le climat préélectoral déjà tendu et risque de faire vivre au Sénégal des conflits post-électoraux.
Le processus électoral comportait déjà donc les cas problématiques de deux candidats potentiels que le président sénégalais Macky Sall voulait éliminer à l’élection présidentielle du 24 février 2019. La mise à l’écart programmée de candidats potentiels et une imposition de la loi du parrainage votée, sans débat, à l’Assemblée nationale, le 19 avril 2018, obligeant les candidats à l’élection présidentielle à obtenir, dans au moins sept régions du Sénégal, entre 0,8 et 1% des signatures des électeurs inscrits du fichier électoral dans l’espoir de passer à la première étape de la validation de la candidature par le Conseil constitutionnel.
La judiciarisation politique des dossiers de l’ancien ministre Karim Wade et du maire socialiste Khalifa Sall, demeure une source perpétuelle de tensions qui pèse encore sur le processus électoral jetant ainsi un discrédit sur des élections libres, transparentes, démocratiques et inclusives.
Le parrainage, tel que conçu par le régime de Macky Sall, nuit donc à la transparence et à l’égalité des chances. Dans cette perspective, il faut donc éviter un simulacre de démocratie se traduisant ainsi par une élimination des candidats en cascade et une imposition surtout d’un ministre de l’intérieur partisan qui organise les élections et qui a dit publiquement qu’il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour faire gagner le camp présidentiel dès le premier tour. Or un consensus sur le code électoral a toujours eu lieu au Sénégal sous les anciens présidents Abdou Diouf année (1992, 1998) Wade (2007, 2012) qui se traduisait concrètement par une élection organisée par des personnalités neutres, des chargés d’élections.
Sous l’ancien président Abdoulaye Wade, le fichier électoral était consensuel et accessible sur Internet depuis plus de 6 mois avant la date des élections. Pour le scrutin présidentiel de février 2019, le président Macky Sall est le seul candidat à l’élection présidentielle à avoir accès intégralement au fichier électoral, une iniquité dans un État de droit entre lui et les candidats de l’opposition qui ont souvent exigé, en vain, l’accès à un fichier réel et équitable. Le Sénégal devait donc préserver ses acquis démocratiques et sous ce registre, le président Macky Sall a fait donc moins que Diouf et Wade sur la démocratie, l’État de droit et la bonne gouvernance (rapports tablettés de l’Office national de lutte contre la fraude et corruption (OFNAC), Inspection générale de l’État (IGE) contre ses partisans).
Manque de concertation et de consensus sur des démarches, jadis, consensuelles entourant les questions électorales
Le manque de concertation et de consensus sur le parrainage a été l’origine des manquements de la fiabilité du fichier électoral et des tensions qui en découlent (code électoral : lois et règlements, établissement des cartes d’électeurs, inscription sur les listes électorales, parrainage, etc.). Les sept observateurs de la société civile ont assisté impuissant à un cirque ou une parodie d’un traitement égal des candidats dans la vérification des parrainages.
L’opposition n’a plus confiance en plusieurs institutions (commission électorale nationale autonome (CENA), Direction de l’Automatisation du Fichier (DAF), Cour suprême, etc.) qui ont à leur tête des personnalités devant faire valoir leurs droits à la retraite, un choix stratégique du président pour avoir une certaine mainmise de fonctionnaires qui veulent toujours garder leurs emplois.
La démarche consensuelle sur les questions électorales était un acquis démocratique. Le pays de la Téranga (l’hospitalité) a toujours été considéré comme un pays de dialogue et de consensus, une tradition démocratique que le président Macky Sall ne veut, hélas, pas respecter.
Doudou Sow, blogueur, citoyen socialement engagé et lauréat du Mois de l’histoire des Noirs 2017
Lire mes différents articles sur la situation politique sénégalaise :
Sénégal: une élection présidentielle verrouillée par l’actuel président Macky Sall
Sénégal: le respect du processus électoral, condition indispensable pour une élection apaisée
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Par Doudou Sow le Samedi 02 Février 2019 dans Blogue, Opinion, Opinion. Un commentaire